Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/540

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
534
REVUE DES DEUX MONDES.

L’administration des sacremens est, avec la prédication de l’Évangile, le second signe auquel on reconnaît l’église de Dieu. Les sacremens n’ont pas un office différent de la parole ; comme elle, ils nous offrent Jésus-Christ avec tous les trésors de sa grace, et ne sauraient profiter qu’à ceux qui les reçoivent par la foi. Calvin ne reconnaît que deux sacremens comme communs à tous les chrétiens et nécessaires à la constitution de l’église, le baptême et la cène. Le baptême est un gage de la rémission des péchés, rémission qui embrasse non-seulement le passé, mais l’avenir. Cette opinion est fondamentale dans Calvin. Selon lui, il faut croire que par le baptême nous sommes lavés et purifiés pour tout le reste de notre vie. Aussi, toutes les fois que nous tombons dans le péché, il faut rappeler le souvenir de notre baptême, en armer notre ame, et nous tenir certains de la rémission de nos péchés. Le baptême, il est vrai, ne nous a été administré qu’une fois, mais sa vertu n’a pas été abolie par les péchés que nous avons commis. Dans le baptême, c’est la pureté du Christ qui nous a été offerte ; elle conserve toute sa force, qu’aucune tache ne saurait faire disparaître, puisque c’est elle au contraire qui lave toutes nos souillures[1]. C’est le dogme de l’inamissibilité de la justice divine. Ici Calvin, qui avait épouvanté le genre humain par le système de la prédestination, le rassurait outre mesure, en lui promettant pour tous les cas possibles une amnistie sans réserve, et c’était le même homme qui tonnait contre les indulgences des catholiques !

L’auteur de l’Institution chrétienne ne voyait pas dans la cène une simple figure du corps de Jésus-Christ. Il croyait que le fidèle y mange réellement le corps et la chair du Christ, mais il repoussait l’idée de la transsubstantiation. À l’entendre, ceux qui ne conçoivent la présence de la chair de Jésus-Christ dans la sainte cène qu’en attachant son corps au pain s’abusent étrangement. Que devient alors l’opération secrète du Saint-Esprit, par laquelle nous sommes unis à Jésus-Christ ? Nos adversaires, poursuit Calvin, mettent Jésus-Christ dans le pain, et nous disons qu’il n’est pas permis de le retirer du

  1. « Sic autem cogitandum est, quocumque baptizemur tempore, nos semel in omnem vitam ablui et purgari. Itaque quoties lapsi fuerimus, repetenda erit baptismi memoria, et hac armandus animus, ut de peccatorum remissione semper certus securusque sit. Nam etsi semel administratus praeteriisse visus est, posterioribus tamen peccatis non est abolitus. Puritas enim Christi in ea nobis oblata est : semper viget, nullis maculis opprimitur, sed omnes nostras sordes abluit et extergit. » (Inst., lib. IV, cap. XV, § 3.)