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DU CALVINISME.

timent religieux et donna l’éveil à la raison. Aujourd’hui elle est dépassée par son œuvre même. Elle languit, pendant que la religion catholique et la philosophie se développent. Aussi les ames ardentes et les esprits vigoureux qui se font remarquer dans les rangs du protestantisme inclinent vers l’église catholique, ou se vouent ouvertement à la défense de la philosophie. La situation intermédiaire que prirent, il y a deux siècles, avec tant d’audace et d’originalité, les deux docteurs de Wittemberg et de Genève, ne suffit plus de nos jours à ceux qu’enflamme l’amour de la foi et de la science. La religion catholique se présente aujourd’hui sur le premier plan, avec la majesté de ses traditions, la force de sa hiérarchie, avec la grandeur et les attraits de son culte. Cependant l’esprit philosophique circule partout : il jouit, pour élever ses théories, d’une indépendance absolue, et il exerce une grande autorité sur la marche des sociétés et des gouvernemens. Entre ces deux puissances, il y aura plus tard de grands et solennels débats ; mais le moment n’est pas venu. Des deux côtés, les hommes les plus sérieux et les plus sincères sont convaincus que la religion et la philosophie doivent travailler en présence l’une de l’autre, sans chercher des luttes inutiles et prématurées. Personne ne sera tenté sans doute de prendre le bruit qu’ont fait, ces derniers temps, quelques esprits brouillons et légers pour le signal d’une de ces grandes polémiques que Leibnitz considérait comme une des conditions des progrès de la science.


Lerminier.