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d’une peccadille de M. Schlegel que l’auteur des Études sur les tragiques grecs n’a pas, suivant moi, assez vigoureusement réfutée. Sans doute, au lieu de tant insister sur d’aussi microscopiques dissidences, j’aurais bien mieux fait d’indiquer dans le livre de M. Patin les pages et les chapitres, en grand nombre, où je n’aurais eu qu’à louer la solidité des recherches, la vérité des aperçus, tous les mérites enfin du fond unis à ceux de la forme. Nous avons été retenu par la difficulté d’examiner des examens, de juger des jugemens, d’analyser des analyses. On ne sait pas assez combien l’excellence d’un livre de critique échappe à l’appréciation littéraire. Qu’est-ce en effet que la critique, auprès de la réalité de l’art et de la poésie ? Un écho, un reflet, trop souvent une ombre, toujours quelque chose de fugitif et de presque insaisissable. On peut raconter un roman, analyser un drame, exprimer les sensations que fait naître un recueil épique ou lyrique, mais comment caractériser l’espèce de satisfaction intime et réfléchie que nous cause la lecture d’un bon livre de critique ? L’avouerai-je ? Plus un écrit de cette sorte soulève en moi d’idées, de réflexions, de contradictions même, plus il ressemble à une conversation, si l’on veut même, à une controverse entre amis, plus la lecture se change en dialogue, et plus le livre me plaît. La critique, suivant la modeste et charmante définition d’Horace, est une pierre à aiguiser les esprits. Les meilleurs ouvrages en ce genre, à mon avis, sont donc, comme les Études de M. Patin, ceux qu’on aime à chicaner sur quelques détails accessoires, et qui, par la justesse des idées principales, par la variété et par l’heureux choix des points de vue, finissent par nous entraîner à leur suite dans leur sphère de mouvement et de pensée.


Charles Magnin.