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REVUE. — CHRONIQUE.

clause particulière de la loi ou admettre une exception. A-t-on jamais procédé autrement ? Sommes-nous si récalcitrans pour faire, pour défaire, pour corriger ce qui a été fait, et quelquefois aussi pour le gâter ? Si on avait attendu que toutes les objections fussent résolues, que tous les intérêts fussent conciliés, que tout le monde fût d’accord, aurait-on jamais rien fait, rien commencé ? Une voiture publique ne partirait jamais, si on attendait que tous les voyageurs fussent bien placés, bien assis, parfaitement satisfaits dès l’entrée.

Le public savait aussi à quoi s’en tenir sur l’état réel de nos finances, sur l’adroit pathos des hommes politiques qui voulaient, à coup de chiffres, accabler le ministère du 1er  mars. M. le ministre de l’intérieur est venu à deux reprises rassurer la France, qui n’était pas effrayée. Elle le prouvait d’une manière irrécusable par le taux des fonds publics. Les capitalistes ne connaissent d’autre politique que celle de leur intérêt. Le jour où les finances de la France seraient sérieusement embarrassées, nous serions dispensés de discuter à perte de vue sur l’emploi des réserves de l’amortissement. Le 5 p. 100 tomberait à l’instant même au-dessous du pair. On a reproché à M. le ministre ses deux discours financiers. Nous aimons au contraire à l’en remercier. La vérité est bonne à dire, même un peu tard. Mieux vaut tard que jamais.

Au surplus, tout homme impartial sait à quoi s’en tenir sur nos finances. Elles nous commandent, non l’impuissance, mais la prudence. Certes, si un projet de loi avait pour but de nous imposer une dépense immédiate et nullement nécessaire de 7 ou 800 millions, il faudrait le rejeter sans hésitation aucune. Il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit d’une dépense qui ne peut se faire que graduellement, successivement, qu’on peut modifier et suspendre selon les circonstances, ou par l’effet d’un examen plus approfondi, d’une expérience mieux éclairée.

Ce que le public demande aux chambres, c’est une résolution, c’est le commencement des travaux. Nous sommes convaincus que la France, prise dans son ensemble, attache peu d’intérêt aux détails de la loi, que peu lui importe la direction qu’on donnera aux premiers travaux. Ce qu’elle veut, c’est que ce nouveau mode de communication s’établisse chez nous, c’est que l’étranger n’en profite pas seul. Le pays est-il parfaitement éclairé sur les avantages et les inconvéniens des chemins fer, sur les résultats de cette grande application de la puissance mécanique aux affaires de la vie ? Certes non. Le public ne peut pas connaître ce que personne ne connaît. Tous ceux qui affirmeraient tout savoir sur ce point, et qui ne douteraient de rien, ne seraient que des hommes d’imagination, les poètes de l’industrie. Mais qu’importe ? Le monde savait-il d’abord ce que deviendrait l’imprimerie, la poudre à canon, la découverte de l’Amérique ? Nullement ; on s’en faisait, en bien et en mal, les idées les plus chimériques ; on marchait dans l’incertain comme ces hommes qui à la faible lueur pénétrant les fissures d’un rocher, osent s’élancer dans une voie souterraine. On a beau faire, l’homme avant tout a besoin de mouvement et d’action. Apercevoir, agir, et réfléchir après, c’est là l’histoire de l’humanité en toutes choses. Les poétiques sont nées des poèmes La théorie des