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réduire des droits de douanes. Sir Robert Peel n’a pas trouvé ce moyen suffisant, mais il ne l’a pas moins employé que ses devanciers, et la proposition d’un nouvel abaissement de tarifs a accompagné sa proposition d’un impôt sur le revenu.

Si la France se décidait quelque jour à faire de même, et il est à désirer que la discussion fasse bientôt justice des derniers préjugés qui s’y opposent, la situation de nos finances deviendrait magnifique ; le trésor pourrait suffire à tout sans emprunt, et avoir encore du surplus. La chose vaut bien la peine qu’on y songe.

Nous pourrions signaler plusieurs autres améliorations qu’il serait possible d’apporter chez nous au système des revenus publics, pour les rendre plus productifs sans inconvénient ; mais nous nous en tenons à celui-ci comme le plus saillant. Les douanes sont, de tous les impôts, le moins impopulaire. Il n’y a d’ailleurs d’autre moyen d’augmenter leur produit que de les rendre moins lourdes. Augmenter son revenu en excitant à la production et en rendant la consommation plus facile, ce doit être pour un gouvernement l’idéal de l’impôt.

On s’étonnera peut-être de nous voir présenter comme modèle une des opérations financières des Anglais, quand nous avons constaté dans leurs finances un si grand embarras. Il n’y a pourtant là rien d’étonnant. Ce qui obère les Anglais, c’est leur énorme dette, c’est leur ordre social privilégié, c’est la fatalité de conquête qui les pousse. S’il est un miracle dans leur histoire financière, c’est qu’ils aient pu supporter tout ce poids. Ils ont déployé depuis vingt ans, pour échapper à la banqueroute, un génie fiscal admirable, et même en ce moment, leurs efforts pour se soustraire au désastre qui les menace ont quelque chose de merveilleux.

Ce que nous avons de mieux à faire, c’est d’aller beaucoup à leur école, tout en nous félicitant de n’avoir pas à rouler le même rocher, et de profiter, pour perfectionner nos finances, de l’esprit d’invention qui leur est nécessaire pour soutenir les leurs. Quoi qu’il en soit, il ne peut être question pour nos finances que de plus ou moins de prospérité. La France ferait mieux sans doute d’augmenter ses revenus que de recourir au crédit ; mais, même après un emprunt d’un milliard pour les chemins de fer et les autres travaux commencés, elle aura encore le budget le plus clair et le plus vraiment puissant de l’Europe.


V. de Mars.