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LETTRES DE CHINE.

ton avait été commis sur le territoire portugais, et en violation des droits et de la neutralité publiquement déclarée du gouvernement portugais. Le gouverneur de Macao fit tout ce qui était en son pouvoir : il réclama du commissaire impérial la remise entre ses mains de M. Stanton ; mais il ne put rien obtenir. Nous verrons plus tard à quelle occasion cet Anglais et les prisonniers de Ning-po furent délivrés.

Cependant le blocus de la rivière de Canton, déclaré solennellement le 28 juin par sir G. Bremer, et appuyé par quatre bâtimens de guerre anglais, se continuait nominalement, c’est-à-dire que les navires de sa majesté britannique occupaient quelques-unes des passes, s’emparant de quelques jonques chargées de grains et de sel ; toutefois, les marchandises chinoises arrivaient à Macao par le passage intérieur, que les Anglais avaient renoncé à bloquer par les raisons que j’ai données plus haut. Le chargement des navires était plus lent et plus coûteux ; mais l’inconvénient était bien moindre que ne l’eût été l’interruption subite et complète de toute transaction commerciale. C’était là, cependant, une mauvaise situation, et qui ne pouvait durer long-temps sans de grands préjudices pour le commerce de la nation qui faisait le blocus, plus encore que pour celle dont le port était soumis à cette mesure de rigueur. Enfin, comme si tout ce qui a lieu dans ce pays devait avoir un certain caractère de singularité, ce blocus se trouva modifié par une combinaison de circonstances qu’aucune mesure de cette nature ne me semble avoir présentée ailleurs. Voici la traduction d’une passe donnée au capitaine d’une jonque chinoise par le capitaine Smith, commandant le blocus de la rivière :

« Par Henri Smith, écuyer, capitaine du navire de sa majesté la Druide, et commandant l’escadre de blocus dans la rivière de Canton.

« Le porteur, nommé en marge (jonque Taug-ap-chung, capitaine Yung-at-tzé), ayant acheté de M. …… de Macao les marchandises anglaises énoncées dans la liste ci-annexée, et les ayant embarquées sur cette jonque en destination pour Chin-chew, je lui accorde, par les présentes, cette passe, afin qu’il puisse aller librement audit port de Chin-chew, sans qu’il y soit mis obstacle ou empêchement.

« Donnée sous ma signature, le dix-neuvième jour de septembre 1840.

H. Smith,
« Capitaine de vaisseau, et commandant les navires et embarcations
de sa majesté sur la côte de Chine. »

N’est-ce pas là, monsieur, un singulier document ? Quoi ! le blocus de la rivière de Canton dans toutes ses entrées est déclaré le 28 juin ; l’escadre de blocus ferme l’entrée principale de la rivière ; les navires étrangers et anglais, le commerce en général, souffrent toutes les conséquences de cette mesure, et des passes sont accordées, à des jonques chinoises qui ont été acheter des marchandises anglaises à Macao ! Comment expliquer une semblable incon-