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avoir à Canton. Tous, à l’exception de deux Américains, profitent de cet avertissement si strictement opportun, comme vous allez le voir. Au soleil couchant, le dernier négociant anglais s’embarquait sur la goélette du commerce Aurora, que la marée et le vent contraire tenaient attachée à son ancre en face des factoreries. — J’ai déjà indiqué la position de la corvette la Modeste, de 20, et de la goélette l’Algérine, de 10 canons. Du pont de ces bâtimens, on pouvait apercevoir les hauts mâts du Blenheim et du Wellesley, de 74, auprès desquels étaient à l’ancre les autres navires disponibles de l’expédition.

Dans la nuit du 21 au 22, toute la ligne des défenses chinoises se couvrit de feux ; de nombreux brûlots furent lancés contre la flotte anglaise de tous les points cachés de la rivière. Les Chinois se croyaient assez forts pour détruire leurs ennemis. Nul doute que, si le secret eût été mieux gardé, s’il y eût eu plus de concert dans les mesures, ou plutôt si la paix, dont ils ont joui depuis tant de siècles, ne les eût rendus inhabiles à profiter de leurs avantages, nul doute, dis-je, que toute l’expédition anglaise n’eût été très sérieusement compromise. Plusieurs navires coururent un grand danger. Les Chinois déployèrent plus de courage que lors de l’attaque des forts de la rivière. Leurs canons furent mieux pointés et avaient été rendus plus mobiles ; on prétend qu’ils durent cette amélioration, très imparfaite encore, aux conseils d’un négociant américain. Toujours est-il que, dans ce combat, le sang anglais coula pour la première fois depuis deux ans que durait la lutte, tandis que jusque-là le sang chinois seul avait été répandu à flots. Je n’entrerai pas dans les détails de cette nuit si fertile en évènemens. Les journaux de Macao en ont donné une peinture vive et exacte ; je ne pourrais que répéter ce qu’ils ont dit. Les résultats furent la destruction de presque tous les brûlots destinés à incendier la flotte anglaise, la perte de quarante ou cinquante jonques de guerre, d’un grand nombre d’hommes, et enfin les évènemens dont il me reste à parler.

Le lendemain, 22 mai, plusieurs des navires de guerre anglais stationnés au-dessus de Canton, et dont les embarcations avaient été envoyées au secours des navires compromis, vinrent se réunir devant la ville, mais ils ne passèrent pas devant les forts qui en défendent les approches sans éprouver des pertes assez considérables. Le bateau à vapeur en fer la Némésis, capitaine Hall, rendit dans cette occasion, comme dans toutes celles où il s’était trouvé, d’immenses services. Ce fut lui qui détourna la plus grande partie des brûlots chinois, et qui détruisit toutes les jonques de guerre. Le capitaine Hall est un homme d’une énergie et d’une activité remarquables.

Le 25 mai, toutes les troupes de débarquement étant réunies, et les navires de guerre ayant jeté l’ancre devant Canton, l’attaque générale de la ville eut lieu sous les ordres du major-général sir Hugh Gough. Dans l’espace de très peu d’heures et après une faible résistance, les Anglais furent maîtres de presque toutes les positions qui dominent Canton ; les hauteurs furent garnies