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REVUE. — CHRONIQUE.

matière[1]. Ce livre se recommande par toutes les qualités qui distinguent les écrits de l’honorable pair. On y trouve des vues élevées et un savoir étendu. On y remarque surtout une grande indépendance de caractère. M. d’Audiffret est du petit nombre des hommes qui n’écrivent que pour obéir à des intentions droites et pures, et qui ne publient leurs idées que dans le désir d’être utiles.

Tout le monde sait que le budget est le projet des recettes et des dépenses présenté pour chaque année par les ministres. Examiner ce projet, c’est étudier les besoins et les ressources du pays. Tel est l’objet du livre de M. d’Audiffret. L’honorable pair discute l’un après l’autre les différens chapitres des revenus et des dépenses de l’état. Il examine si les revenus sont bien établis, si les dépenses sont justes, et si l’on a pris de sages moyens pour combler le déficit actuel de nos finances. Ce déficit lui paraît grave, et les mesures prises pour y remédier lui semblent insuffisantes. M. d’Audiffret réclame, dans l’intérêt du trésor, plusieurs réformes dont l’adoption modifierait les bases du budget. Aux plans de finances, M. d’Audiffret a joint naturellement des plans de réformes administratives. Cette partie de son travail n’est pas moins remarquable que l’autre. C’est un ensemble de vues inspirées par l’amour de l’ordre, où le progrès se montre à côté de l’expérience, et le respect des traditions à côté de la nouveauté des idées.

M. d’Audiffret a déjà publié plusieurs ouvrages qui ont fixé l’attention publique. Les livres de finances et d’administration ont peu de lecteurs. La faute en est généralement aux écrivains, qui ne savent pas tirer de leur sujet les ressources qu’il contient. Au lieu d’emprunter à l’histoire et à la politique les notions qui se rattachent naturellement à ce sujet, ils le renferment dans les limites d’une spécialité étroite et aride. Au lieu de l’éclairer, ils l’obscurcissent, et ils le rapetissent, au lieu de l’agrandir. De là vient le dégoût des gens du monde pour des études qui se présentent à eux dépourvues d’attrait et de grandeur. Les intérêts d’une science utile sont ainsi compromis par les écrivains même qui se chargent de la défendre et de l’enseigner. M. d’Audiffret ne mérite pas tout-à-fait ce reproche. Avant de traiter une matière spéciale, il s’occupe toujours de mettre en lumière les principes généraux qui la régissent. Avant d’exprimer ses idées sur nos institutions financières et administratives, il remonte aux sources de ces institutions, et fait voir les diverses influences que les gouvernemens de la France ont exercées sur elles. Cette partie des ouvrages de M. d’Audiffret appartient à l’histoire et à l’économie politique ; elle offre un haut intérêt. Elle sert pour ainsi dire de préface aux développemens de chaque système, et jette une vive clarté sur les détails. Lorsqu’on a lu ces résumés instructifs, on suit plus facilement l’auteur dans ses plans de réformes, on comprend nettement ses idées, on en voit le but, on en saisit le caractère.

Dans les différens livres qu’il a publiés, M. d’Audiffret a exposé ses opi-

  1. Le Budget, chez Dufart, quai Voltaire.