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Russes, repassant le Danube, emmenèrent avec eux près de trente mille des plus compromis d’entre ces rayas, et de fertiles terrains leur furent assignés le long du Dniéper. De l’aveu même des Russes, ces Slaves n’ont pu se faire au régime moscovite, et tous, peu à peu, sont rentrés en Turquie.

On peut distinguer deux Bulgaries, l’une au nord, l’autre au sud du Balkan, inclinées la première vers le Danube, la seconde vers cette partie de la Méditerranée voisine de la Grèce, et que le Bulgare appelle Bielo-more-to (la mer Blanche). L’une offre tous les produits valaques et hongrois, l’autre tous les produits grecs. Le Bulgare du sud et le Bulgare septentrional se reconnaissent aussi à des traits distincts. Outre leur idiome, qui se rapproche du russe, ceux du nord ont gardé beaucoup plus des mœurs tatares, et ont fourni par conséquent à l’islamisme bien plus d’adeptes que les Bulgares du sud, presque hellénisés. Les premiers, farouches et incultes, sont moins hospitaliers envers l’étranger, et plus humbles envers le maître ; ils parlent avec une telle volubilité, que leur langage saccadé devient presque inintelligible. La langue des méridionaux, fortement mêlée de tournures serbes et grecques, est, au contraire, harmonieuse et très douce. La différence qu’on remarque entre les deux régions s’aperçoit dans les enfans même : ceux du sud viennent en souriant vers le voyageur, ceux du nord fuient à son approche, et l’expression d’étranger (stranniï tchelovék) est dans leur bouche une insulte.

On a tort de regarder la Bulgarie comme ne formant qu’une seule grande province : la Bulgarie a été divisée, par la nature même, en cinq ou six régions distinctes, dont chacune a encore aujourd’hui pour chef-lieu une ville de trente à cinquante mille habitans. Ces régions diverses sont : la Zagora ou Bulgarie transbalkane, qui renferme une assez forte population ottomane, mêlée à celle des chrétiens, capitale Philippopoli ; — le Dobroudja, côte bulgare de la mer Noire, où errent encore, en troupes nomades, les Tatars-Nogaïs, émigrés de la Crimée, capitale Varna ; — la Bulgarie danubienne, capitale Vidin ; — la Haute-Bulgarie, celle du centre, où se cache, entourée d’inaccessibles montagnes, la sainte et antique ville de Sofia, qui est pour cette nation ce qu’est Moscou pour la Russie ; — enfin la Bulgarie macédonienne, qui a pour capitale Sères, et aboutit au golfe de Contessa et à l’Athos. Ainsi la Bulgarie débouche sur deux mers : par Varna, elle reçoit les produits de l’Asie et de la Russie, et peut leur envoyer les siens ; par Sères et Salonik, elle