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Toutes ces charges réglées et prévues paraîtront légères cependant, si on les compare aux corvées imprévues que chaque pacha est en droit d’exiger dans l’intérêt des travaux publics, et qui, pour chaque paysan, s’élèvent d’ordinaire à plus de trente jours par année. Un fléau pire encore est celui du gazdalik, ou l’obligation de loger et de nourrir tous les hôtes (gazda) voyageant avec firman, ou pour le service impérial. Le staréchine de chaque village, sous le nom turc de kiaya (lieutenant), doit leur fournir à tous le logement et les vivres aux frais de la commune.

Il y a peu de chose à dire des écoles bulgares. Dans tout l’Orient, c’est au clergé seul qu’est remise la tâche de l’enseignement, et le clergé est partout presque aussi ignorant que le peuple. Les Turcs cependant n’opposent aucune entrave à l’érection de nouvelles écoles. Chaque siége épiscopal de Bulgarie a la sienne, qui, d’ordinaire, est attenante à la cathédrale, et sert comme de petit séminaire. Toutes ces écoles se ressemblent ; dans chacune, un moine, assisté de quelques diacres, apprend aux enfans l’écriture, l’arithmétique, le catéchisme et la psalmodie ; le siége du didaskale, ou professeur, élevé en tribune au fond de la vaste salle, est surmonté d’une clochette qui, frappée par le maître avec une vergette de métal, lui sert pour commander le silence et proclamer ses ordres. Plusieurs de ces écoles, par exemple celles de Sofia et de Kirk-Kilissé, ont adopté la méthode de l’enseignement mutuel. Le plus grand ordre règne dans les divers exercices ; la manière dont les enfans sortent et défilent, en mesurant leurs pas et en chantant des prières slavones, a quelque chose de militaire et de monastique tout à la fois. C’est ainsi que le chrétien d’Orient s’accoutume dès l’enfance à confondre le sacré et le profane, les mœurs ecclésiastiques et les mœurs séculières. Le machiavélisme ottoman s’applique de toutes ses forces à entretenir cette confusion dont il profite. En accoutumant les rayas chrétiens à ne pas séparer la patrie de la religion, et en s’assurant à force de priviléges et de faveurs l’appui du haut clergé, la Porte domine ainsi et enchaîne par la main de leurs prêtres des peuples qu’elle ne maîtriserait plus, s’ils apprenaient enfin à distinguer plus nettement l’ordre civil de l’ordre spirituel. Ne voyant dans le clergé qu’une force gouvernementale, les Turcs vendent à l’enchère les dignités de l’église. Les acquéreurs à leur tour, une fois couverts de la mitre, ne songent guère qu’à tirer de leurs ouailles le plus d’argent possible pour rentrer dans leurs déboursés. Le prélat qui a acheté son siége force le simple papas à acheter sa cure. Le papas riche peut