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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

nom de Molla-Pacha, sentit le besoin de s’assurer un appui contre les novateurs du divan ; il offrit, en 1811, son alliance aux rebelles de Serbie. Ce nouveau prince des Bulgares aurait voulu que les deux pays ne formassent qu’une confédération pour s’entredéfendre envers et contre tous ; mais le molla était musulman, et les Serbes répugnaient à le soutenir. D’ailleurs, une circonstance importante s’opposa bientôt impérieusement à la prolongation des conférences. Napoléon ayant déclaré la guerre au czar, celui-ci se hâta de conclure la paix avec le sultan. Par le traité de Boukarest (28 mai 1812), la Russie obtint les bouches du Danube et la Bessarabie jusqu’au Pruth ; mais il fut stipulé que la Serbie et la Bulgarie rentreraient sous le joug ottoman. Pour obtenir l’accession de ces deux contrées, il fallut les tromper par de belles promesses : la Russie n’en fut point avare. Les Serbes, croyant devoir s’en rapporter au czar plutôt qu’au molla de Vidin, rompirent toute alliance avec les Bulgares. Dès-lors les uns et les autres furent abandonnés sans défense aux Osmanlis, qui purent assouvir sur eux leur soif de vengeance. Des milliers de victimes périrent dans les supplices.

Bientôt après, Molla-Pacha fut rappelé. Le visirat de Bulgarie fut donné à Hussein-Pacha. Une circonstance particulière détermina le prince serbe Miloch à conclure une alliance avec le nouveau visir. Vidin et Belgrad sont attachées l’une à l’autre par d’étroits et nombreux liens, comme la Serbie l’est à la Bulgarie. Ces deux postes dominent également le Danube, et l’un ne peut être occupé en paix tant que l’autre veut la guerre. Le prince Miloch, aspirant à une indépendance paisible, sentit qu’il ne pourrait y atteindre aussi long-temps qu’il ne serait pas appuyé sur les balkans bulgares. Trop faible et trop rusé pour s’emparer ouvertement de Vidin, comme les amis de Pasvan-Oglou s’étaient emparés de Belgrad, il prit le molla pour modèle, et signa un pacte de confédération avec le cruel Hussein-Pacha, dont il se fit accepter, non-seulement comme ami, mais comme frère adoptif. Hussein-Pacha amassait alors, en pillant les rayas, ces trésors qui font aujourd’hui de sa cour une des plus somptueuses de l’Orient : il s’était emparé du monopole commercial sur les côtes du Danube, et en avait affermé les pêcheries et jusqu’au droit de naviguer.

Les haïdouks bulgares ne reparurent que quand le bruit de l’insurrection grecque de 1821 vint retentir dans leurs cavernes. Tirés soudain de leur sommeil, ils inondèrent la Macédoine ; on vit des bataillons entiers de ces guerriers indépendans jusque dans le Pélo-