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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

nèrent sur ce fait de longs et curieux détails. D’après ces feuilles, imprimées en serbe, l’une à Budim, l’autre à Belgrad, l’insurrection bulgare, comme la guerre de Troie et la révolte de Rome contre les Tarquins, eut pour cause décisive le rapt d’une jeune fille. L’Hélène ou la Lucrèce des Bulgares se nommait Agapia. Épris de sa rare beauté, le neveu du pacha de Nicha la fit enlever au milieu d’un kolo, et, afin de l’épouser, voulut la forcer à se faire musulmane. Comme elle résistait à toutes les séductions, elle fut soumise à des tortures affreuses, qu’elle subit avec courage. Furieux de ne pouvoir lui enlever sa foi religieuse, les juges résolurent alors de lui ravir sa virginité. Effrayée de cette menace, la jeune fille préféra, dit-on, se faire turque, et quand toute sa nombreuse famille, le père en tête, vint pour la racheter des mains du pacha, on lui répondit qu’elle n’était plus chrétienne. Ses parens n’en ayant rien cru d’abord, on la fit paraître, et elle ne les eut pas plutôt revus, qu’elle tomba, fondant en larmes, dans les bras de ses proches, qui confondirent leurs cris de douleurs avec ceux de la captive. Les kavases mirent bientôt un terme à cette scène déchirante, et chassèrent rudement la pauvre famille. La jeune Bulgare fut renfermée dans une koula, près de la ville, avec beaucoup d’autres momas (jeunes filles) réservées au même sort, c’est-à-dire à épouser, après leur apostasie, des Ottomans.

Ces déplorables scènes se passaient au printemps de l’année 1841, époque de fêtes pour tous les Slaves ; mais sur les tapis de fleurs du Balkan les danses avaient cessé, on ne songeait plus qu’à la vengeance. Armé de faux, les paysans bulgares accoururent pour briser les portes de la prison et délivrer leurs momas. Les insurgés marchaient sous deux chefs : Miloié, qui, dans sa première jeunesse, avait été parmi les haïdouks que commandait Tserni-George, et Gavra, qu’on dit être un pope de Leskovats. Quelques mois avant l’insurrection, ces deux hommes étaient venus à plusieurs reprises en Serbie porter leurs plaintes contre les Turcs. Ils avaient supplié le sénateur Mileta Radoikovitj, chef de la quarantaine et gouverneur du cercle d’Alexinats, et le capitaine de frontière Mladen Voukomanovitj d’intercéder pour eux. Après avoir exposé les intolérables souffrances des rayas, souffrances que le hatti-scherif de Gulhané n’avait fait qu’aggraver, ils s’étaient avoués déchus de la bravoure de leurs pères, et avaient demandé du secours aux Serbes pour

    cependant à étudier les mouvements et les nuances politiques de ces populations, qui, habitant les côtes de l’Adriatique, sont pour ainsi dire à nos portes ?