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LES MONARCHIENS DE LA CONSTITUANTE.

mais cette part eût pu être moins large, moins terrible, et le bien eût pu l’emporter encore plus sur le mal. La société nouvelle en serait plus puissante, plus aimée de tous, et l’histoire du monde entier aurait avancé peut-être d’un demi-siècle.

Un historien de la révolution a voulu juger le parti des monarchiens en disant qu’à chaque époque ils supplièrent les plus puissans de transiger avec les plus faibles. Mais n’est-ce pas là le plus bel éloge qu’on puisse faire d’une opinion et d’un parti ? N’est-ce pas pour défendre le faible contre le fort, que la société elle-même a été créée ? Lois politiques, lois civiles, lois criminelles, toutes les constitutions humaines ont-elles un autre but ? Tous les hommes publics, quels que soient leurs titres, leurs fonctions et leurs droits, ont-ils un autre devoir ? Oui, certes, les monarchiens ont toujours invité les puissans à ménager les faibles, et c’est là leur gloire. Avant le 14 juillet, dit le même historien, ils demandaient à la cour et aux classes privilégiées de contenter les communes ; après, ils demandèrent aux communes de recevoir à composition la cour et les classes privilégiées. Et quand cela serait, ou serait le tort ? Ce qu’il faut poursuivre et bannir de ce monde, s’il est possible, c’est l’oppression, quel que soit le nom de l’oppresseur. La cour et les classes privilégiées étaient dominantes avant 1789 ; après le 14 juillet, la domination passa du côté des communes, et, avec la force, l’abus de la force. Niez donc la moralité humaine, niez la liberté, ou reconnaissez que la résistance fut légitime dans l’un et dans l’autre cas ; et à qui peut-on s’adresser sinon à la force elle-même pour lui demander de se tempérer ?

Mais, poursuit-on, ce que Mounier et ses amis ne voyaient pas, c’est le peu d’à-propos de leurs idées dans un moment de passions exclusives. Et qui vous dit qu’ils ne la voyaient pas, cette difficulté de se faire écouter ? Placés eux-mêmes au milieu des passions aux prises, comment auraient-ils pu ne pas les voir ? Chaque jour, ils sentaient sur leur visage l’haleine ardente des combattans ; chaque jour, ils entendaient de plus près que personne, les cris de colère des courtisans de Versailles et le grondement terrible du peuple soulevé. Mais ce qu’ils voyaient en même temps, c’était le danger d’une lutte désespérée, et ils n’épargnaient rien pour la prévenir. Loin de s’effrayer de la grandeur du mal, ils y puisaient au contraire un plus profond sentiment de leur devoir. Quand il eût été impossible de réussir dans cette noble tâche, il était toujours beau de l’entreprendre, et généreux de s’y dévouer. Pourquoi les supposer aveugles quand ils étaient braves ? Allez, ne cessons pas d’admirer la vertu aux