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DES ÉTUDES ÉGYPTIENNES EN FRANCE.

Égyptiens avaient un tribunal pour juger les morts, et refusaient, sans distinction de rang, les honneurs funèbres à ceux qui avaient mal vécu ; n’aurions-nous point ici l’exemple de la condamnation prononcée sur un roi dans ces augustes jugemens ? Dans un autre tombeau, on voit les ames jugées par les dieux, les supplices des méchans et les récompenses des justes. Les coupables occupent soixante-quinze zones que gardent des divinités armées de glaives : les uns sont suspendus la tête en bas ; d’autres, les mains liées sur la poitrine et la tête coupée, marchent en longue file. On en voit qui traînent à terre leur cœur arraché du sein. Les justes, au contraire, présentent des offrandes aux dieux, cueillent les fruits des arbres de vie, ou, des faucilles à la main, moissonnent les campagnes du ciel ; d’autres se baignent et jouent dans des bassins d’eau primordiale. On lit à côté de ces scènes de bonheur : « Les ames ont trouvé grace aux yeux du Dieu grand, elles habitent les demeures de gloire, les corps qu’elles ont abandonnés reposeront à toujours dans leurs tombeaux, tandis qu’elles jouiront de la présence du Dieu suprême »

Toutes ces magnificences de Thèbes, ces palais, ces temples, ces colosses, ces sépultures, étaient presque inconnus avant l’expédition d’Égypte. Les savans de la commission dessinèrent la plupart de ces monumens, en levèrent le plan et en firent une description remarquable de détails et d’exactitude. Ils en firent autant pour les ruines d’Erment, d’Esné, d’Éléthya, d’Edfou, d’Ombos, d’Éléphantine, de Philæ. C’était pour ainsi dire transporter la vallée du Nil en Europe, sous les yeux de chacun. Les savans de la commission ne bornèrent pas là leurs services ; ils rapportèrent des papyrus, ils copièrent, avec une fidélité parfaite, des textes hiéroglyphiques, ils recueillirent nombre d’antiquités intéressantes. On voudrait pouvoir dire le même bien des mémoires que l’on trouve dans leur grand ouvrage. Les savans qui les rédigèrent appartenaient à une mauvaise école historique ; ils n’avaient point de critique, et de graves erreurs sont à la base du système qu’ils se sont fait sur l’histoire de l’Égypte. Ils attribuaient à la civilisation de ce pays une antiquité fabuleuse que rien ne justifie, et croyaient que les monumens du style national étaient tous antérieurs à Cambyse : c’était commencer et finir beaucoup trop tôt. Ce qu’ils ont dit de l’astronomie et de la religion n’est pas plus exact et ne peut être d’aucun secours.

La commission d’Égypte ne s’était pas d’ailleurs avancé au-delà de la première cataracte. On savait que la Nubie possédait aussi des