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DES ÉTUDES ÉGYPTIENNES EN FRANCE.

On devait se demander à laquelle de ces classes appartenait chacune des trois écritures que l’Égypte a employées. Les hiéroglyphes, qui représentent fidèlement des objets de la nature et des produits de l’art, paraissaient être figuratifs et symboliques. Les deux autres écritures, l’hiératique ou la sacerdotale, la démotique ou la vulgaire, furent généralement regardées comme alphabétiques, parce qu’on ne pouvait y reconnaître aucun signe figuratif.

La pierre de Rosette offrait le moyen de vérifier ces conjectures, car une hypothèse ne pouvait plus se maintenir que si elle faisait retrouver dans le texte hiéroglyphique et dans le texte vulgaire le sens exact de l’inscription grecque. Sylvestre de Sacy avait reconnu dans l’inscription cursive les groupes qui correspondent aux noms propres grecs et leur nature alphabétique. Ackerblad, savant philologue suédois, les décomposa ; mais, quand il voulut lire le reste de l’inscription avec l’alphabet dont il avait obtenu les élémens, il s’en trouva incapable. Le docteur Young attaqua l’inscription hiéroglyphique. Il comprit que de toute nécessité elle n’était pas entièrement symbolique. Les noms propres étrangers, n’exprimant dans la langue égyptienne aucune idée, étaient pour elle de purs sons et ne pouvaient avoir été écrits que phonétiquement. Les Chinois ont été forcés, pour les exprimer, de donner à leurs signes, mais dans ce seul cas, une valeur phonétique. Young présuma que les Égyptiens avaient eu recours au même artifice. Il analysa d’après ce principe le nom de Ptolémée, facilement reconnaissable, comme tous les noms propres des textes hiéroglyphiques, à l’anneau qui l’enferme ; mais il avait cherché un alphabet syllabique, comme celui de la Chine, et il ne put lire aucun autre nom avec les signes qu’il avait obtenus. Impossible à lui de faire un pas de plus sur cette route.

Champollion découvrit enfin la vérité qui s’était si long-temps dérobée à ses efforts. Il avait cru aussi que les hiéroglyphes étaient symboliques et les deux autres écritures alphabétiques. Une étude plus attentive le fit changer d’opinion. Le grand nombre de signes sacerdotaux et vulgaires lui parut contraire à l’idée d’un alphabet ; il ne vit plus dans ces signes que des caractères idéographiques. Il regarda les signes hiératiques comme une tachygraphie des hiéroglyphes, et les signes vulgaires comme une abréviation des hiératiques. Il vérifia sa conjecture à l’aide de papyrus de diverses écritures, accompagnés des mêmes images ; il supposa qu’ils avaient le même sens, compara tous leurs caractères, vit qu’il avait deviné juste, et détermina les harmonies des écritures égyptiennes sans connaître encore