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la valeur de leurs signes ; travail d’anatomie comparée qui exigeait à un degré étonnant la finesse et l’exactitude d’observation, le génie des combinaisons, et demandait un soin, une patience, un labeur effrayans.

Champollion comprit cependant aussi que les noms propres étrangers devaient être écrits phonétiquement. Il essaya la lecture du nom de Ptolémée sur la pierre de Rosette : il se laissa conduire par la comparaison des hiéroglyphes et des lettres grecques, et crut voir que chacun, au lieu d’une syllabe, n’exprimait qu’une consonne ou une voyelle. Il fallait une certitude. Pour l’obtenir, il aurait suffi d’avoir deux noms propres déterminés et contenant plusieurs lettres employées à la fois dans l’un et dans l’autre, tels, par exemple, que Ptolémée et Cléopâtre. Le texte hiéroglyphique de Rosette ne présentait malheureusement, à cause de ses fractures, que le seul nom de Ptolémée. M. Letronne venait de restituer une inscription grecque inscrite sur le piédestal d’un obélisque à Philiae. M. Banks, à cette nouvelle, envoya à Paris une copie de cette inscription qui offrait avec le texte grec sa traduction hiéroglyphique. On y voyait, à côté du nom de Ptolémée, un autre nom qui devait être celui de Cléopâtre. S’ils étaient écrits alphabétiquement, on devait retrouver ces mêmes signes aux places que les mêmes lettres occupent dans les noms grecs, et c’est ce qui arriva.

Voilà Champollion en possession de plusieurs caractères dont la valeur est incontestable. Il chercha tous les textes qui contenaient des noms de Ptolémée, et, en conservant aux caractères déjà connus la valeur qu’il leur avait assignée, il put lire à côté du nom de chaque Ptolémée celui de son épouse, c’est-à-dire celui qu’il fallait obtenir. Il découvrit ensuite avec son alphabet des noms d’empereur, et toujours à côté leurs titres grecs autocrator et sebastos ; il devait en être ainsi, car le grec demeura sous les Romains la langue officielle de l’Égypte, comme il l’avait été sous les Lagides. Cela évitait l’embarras de trois langues dans un seul pays et n’avait aucun inconvénient, puisque tous les Romains de distinction envoyés dans les provinces parlaient le grec aussi bien que le latin. Champollion obtint ici une démonstration irrécusable de l’exactitude de son alphabet. Nous avons des médailles égyptiennes de l’empire, frappées en Égypte, portant tous les titres affectés aux divers empereurs ; Champollion rencontra toujours à côté du nom d’un empereur les titres particuliers qui le caractérisaient sur ses médailles.

Champollion publia ces résultats en 1822, dans une lettre adressée