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écrivait-il à sa cousine de Sévigné, servir contre mon roi un prince qui ne m’aime pas. Je le servirai, pendant sa prison, comme s’il m’aimait, et, s’il en sort jamais, je le quitterai pour rentrer dans mon devoir. » Le cas prévu arriva ; le prince de Condé sortit de prison et le cardinal Mazarin du royaume. Le prince, qui ne demandait qu’à s’exempter de la reconnaissance, fit beau jeu au serviteur qui voulait se dégager. Aussi, lorsque le premier convia ses amis à reprendre les armes sous son enseigne, l’autre s’offrit au roi, qui le fit de nouveau et tout-à-fait maréchal-de-camp. Il fut en effet des premiers à se trouver sur le passage du cardinal Mazarin revenant en France avec une armée (1652), et rendit bon office, dans son gouvernement de Nivernais, à cette cour campée que le prince de Condé pourchassait sur le bord de la Loire, pendant que Mlle de Montpensier lui fermait Orléans. Lorsque la guerre se porta vers Paris, il ne contribua pas peu à la prise de Montrond, après laquelle il ne restait plus au prince de Condé que son épée, qu’il porta chez l’Espagnol. Le cardinal Mazarin aussi avait quitté une seconde fois le royaume pour contenter les Parisiens, et avec bonne intention de revenir bientôt les voir. Le comte de Bussy alla le trouver à Bouillon, « dans ce petit château au milieu des Ardennes où il gouvernait l’état comme s’il eût été à la cour, » et il en rapporta les assurances les plus chaudes d’une utile amitié. Il courut encore à sa rencontre (1653) lorsqu’il lui plut de rentrer dans le royaume parfaitement soumis, et il obtint enfin quelque récompense de ce zèle si empressé. On lui permit d’acheter, pour deux cent soixante-dix mille livres, la charge de mestre-de-camp-général de la cavalerie légère, et il alla servir en Champagne sous le maréchal de Turenne. Dès l’abord, une violente antipathie parut s’établir entre le chef d’armée, qui ne riait guère qu’à ses momens perdus, et le pétulant officier dont on lui avait raconté les railleuses boutades ; mais ils se séparèrent bientôt, et, l’année suivante, le comte alla exercer sa charge en Catalogne, sous le jeune prince de Conti, marié à une nièce du cardinal. C’était là un général qui convenait parfaitement au comte ; il avait de l’esprit, de l’instruction, avec grande envie de se battre et de s’amuser ; de plus, il menait à sa suite le poète Sarrasin, intendant de sa maison, qui ne gâtait certainement pas la partie. Ce fut donc la plus agréable campagne qui se pût faire, où l’on obtint quelques succès et où l’on échangea beaucoup de bons mots ; le comte y eut encore le bonheur d’être nommé lieutenant-général et de gagner dix mille écus au jeu. L’année d’après (1655), il fallut retourner dans l’armée du