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plus loin Spouje, perchée sur un roc, en vue de Podgoritsa, vieux castel et chef-lieu de ces solitudes continuellement ensanglantées. On a depuis peu découvert dans ces lieux des antiquités romaines à Bielopavlitj des sépultures, à Nikchitja et à Drivasso d’autres débris, à Douké, près de Piperi, les restes d’un palais cru impérial. Enfin, au nord-ouest de Podgoritsa, dans le Monténégro, la ville de Diocléa, si chère à Dioclétien, a été retrouvée en 1838 par M. Kovalevski, avec des colonnes, des portes à inscriptions latines, et toute son enceinte de remparts.

La côte maritime qui borde cette plaine s’appelle Kraïna ou limite : c’est le Finistère slavon. Là se trouve Antivari, qui est le port de Skadar et l’entrepôt des exportations du bassin de la Drina. Élevée peut-être jadis par les Italiens de Bari, cette ville mirdite est dominée par un roc, qui porte un château demeuré tel que les Serbes le bâtirent, en s’emparant de cette côte sur les Vénitiens. Ses tours, qui barrent le fond d’un défilé important, sont aux mains d’un petit bey encore héréditaire qui conserve, dit-on, les boucliers et les casques de ses aïeux du moyen-âge. Olgoun, l’antique Olchinium, d’abord appelée Colchinium du nom des marins de la Colchide, ses fondateurs, n’est plus, sous le nom de Dulcigno, qu’un repaire de pirates, prétendus marchands, que les croiseurs de Trieste peuvent seuls forcer au repos. Alessio, chef-lieu de l’antique phar probablement ilirique des Lessi, bâti sur une falaise aux bouches de la Drina, et peuplé de marchands grecs et de pêcheurs mirdites, conserve dans son castel à demi démantelé l’église, devenue mosquée, où est le tombeau vide de Skanderbeg, dont les Turcs enlevèrent les os pour se les partager comme amulettes. Dourts (Durazzo), l’antique Dyrrachium, où le sénat romain et l’armée patricienne de Pompée furent assiégés par César, a perdu sa redoutable citadelle byzantine aux grandioses débris ombragés de beaux platanes, et son fameux port qui, à peu près ensablé, est devenu le plus sûr asile des corsaires. Cependant, par sa position, Dourts est appelé à devenir le Saint-Jean-d’Acre de cette autre nation maronite. Dans des temps plus heureux, cette ville pourrait être le centre naturel et la capitale des Mirdites, qui ne régneront jamais sans partage dans Skadar, où les paralyse une trop puissante influence slave. Sur cette côte, au contraire, les Slaves ont disparu ; les habitans, tous catholiques, n’obéissent qu’à l’influence de leurs moines italiens, et regardent comme leur patrie et leur terre promise les côtes des Abruzzes, qu’ils aperçoivent au-delà de la mer. La France avait un consul à Durazzo dès l’an 1640.