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tyran, disaient les Toskes ; que Dieu nous le renvoie, et nous baiserons avec amour la poussière de ses pas. Les Chkipetars hellénisés du sud furent réduits à s’appuyer sur le nouveau royaume de l’Hellade, incomplet sans l’Épire et les montagnes thessaliennes, que les patriotes grecs appellent leurs limites du Rhin. Agitée par les Hellènes, l’Albanie se souleva donc en 1835 ; et si cette vaste trame insurrectionnelle, dont les principaux fils sont encore un mystère, avait trouvé le moindre appui dans le gouvernement grec, nul doute qu’Othon n’eût été à Janina proclamé souverain de l’Épire. Ce petit roi, encore mal affermi, craignit de se compromettre auprès du sultan, et la révolte des chrétiens d’Albanie fut étouffée ; mais elle avait révélé un fait nouveau, un changement de rôle : ce n’étaient plus les musulmans qui dirigeaient le mouvement national, c’étaient les chrétiens grecs et mirdites. On ne parlait plus des Toskes ; les rassemblemens de klephtes en Toskarie, qui interceptaient les routes et inquiétaient Berath en 1836, n’eurent aucune importance politique.

Il n’en fut pas de même des révoltes mirdites et iliriennes de 1839 et 1840, durant lesquelles le nizam turc fut battu à plusieurs reprises. Les beys musulmans de Prisren, d’Ipek et de Pristina, s’étant coalisés en cette occasion avec les chrétiens, la Porte crut pouvoir exploiter le fanatisme des Mirdites latins, et invita leur prince Nikalo à mériter les faveurs du sultan par une campagne contre les mahométans de Prisren. Les Mirdites refusèrent de marcher contre leurs alliés, et peu de temps après une tentative d’assassinat eut lieu dans les Dibres sur le jeune Nikalo. Ce lâche attentat effraya et désorganisa les chefs dibrans, qui se divisèrent ; plusieurs opinèrent pour la soumission et livrèrent au gouverneur de Romélie les deux principaux meneurs de cette guerre, qui furent aussitôt déportés en Anatolie. La Mirdita parut, sinon soumise, au moins pacifiée, à l’exception des Mirdites voisins du Monténégro, qui restèrent engagés dans une lutte sanglante contre cette république. En 1839, les Monténégrins ravageaient par leurs tchetas tous les environs de Skadar. Une seule de leurs bandes rapportait de Hotti six cents têtes humaines, avec un troupeau de mille bœufs, et les malheureux habitans de cette ville, pour échapper à de nouvelles razzias, demandaient à grands cris et obtenaient leur incorporation avec le Monténégro. L’année suivante, plusieurs fortes tribus mirdites suivaient l’exemple de celle de Hotti, et le Monténégro commençait le démembrement de l’Albanie. Depuis ce jour, la discorde est allée croissant, et les Monténégrins deviennent de plus en plus pour l’Albanie de menaçans