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Mais quelle que soit la forme définitive qui attend le nouvel être, quelque élevé qu’il soit dans la série botanique ou zoologique, nous croyons qu’il doit toujours conserver des traces de cette origine commune. Entre la matière brute et les êtres vivans il y a un abîme ; entre ceux-ci, quelle que soit leur nature, la vie établit des liens, des rapports, que rien ne saurait rompre ou effacer entièrement.

Lavoisier a dit : « Sans la lumière, la nature était sans vie, elle était morte et inanimée. Un dieu bienfaisant, en apportant la lumière, a répandu sur la surface de la terre l’organisation, le sentiment et la pensée. » Ces paroles sont vraies dans leur généralité. Inertes et comme endormis dans l’obscurité, les végétaux semblent s’éveiller au grand jour ; alors seulement se manifestent en eux ces forces chimiques, ces phénomènes de réductions et de combinaisons nouvelles que nous avons signalés. À leur existence se rattache directement ou indirectement celle du règne animal tout entier, et à ce compte le rôle dévolu à la lumière est immense. Remarquons toutefois que l’action immédiate de cet agent est bien moins nécessaire aux animaux qu’aux plantes : sans parler des nombreuses espèces appartenant à toutes les classes du règne animal, qui semblent fuir l’aspect du soleil et ne s’exposent jamais qu’aux pâles rayons des astres nocturnes, il en est qui passent leur vie dans une obscurité plus complète encore ; le sable des mers, nos campagnes, notre corps même, en offrent de fréquens exemples. La plupart de ces espèces lucifuges appartiennent aux échelons inférieurs de la série zoologique ; mais il est des poissons, des reptiles même, qui présentent les mêmes mœurs. Le pimelode des cyclopes n’habite que les grands amas d’eau cachés dans les cavernes des Cordillières, et si on le rencontre quelquefois dans les torrens qui s’échappent de ces sombres retraites ; ce n’est que pendant la nuit. Le protée, reptile voisin de nos salamandres aquatiques, ne quitte jamais les lacs souterrains que recèlent les montagnes de la Carniole. Tous les animaux peuvent d’ailleurs naître, s’accroître et multiplier dans l’obscurité. Ainsi, à mesure que les organismes se perfectionnent, à mesure que la vie revêt une plus haute expression, elle échappe de plus en plus à l’empire de ces agens physiques qui tiennent la matière brute sous une sujétion absolue.

L’existence dans les végétaux des principes immédiats les plus nécessaires au règne animal, est, sans contredit, une des plus belles découvertes de la science moderne ; mais ces principes n’éprouvent-ils aucun changement en passant d’un règne à l’autre ? N’y a-t-il dans