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Le commentaire du livre des Récompenses et des Peines fournit plusieurs preuves de la bonne intelligence dans laquelle vivent les trois doctrines admises comme légitimes dans l’empire chinois, et de l’espèce de fusion en vertu de laquelle elles se pénètrent et s’amalgament mutuellement. L’auteur de ce commentaire a tous les sentimens d’un lettré de l’école de Confucius, et, dans un grand nombre des miracles légendaires qu’il raconte, le dénouement est une promotion littéraire qui vient récompenser l’homme vertueux dans sa personne ou dans celle de ses descendans. Tantôt il cite l’Invariable Milieu, un des livres classiques de l’école de Confucius, tantôt il invoque l’autorité des livres bouddhistes ; « les livres de Fo disent : « Les hommes qui ne tuent point les êtres vivans obtiennent en récompense une longue vie. » Enfin il conclut par cette remarquable maxime : « Lorsqu’on compare les paroles des saints hommes qui appartiennent aux trois religions, on dirait qu’elles sont sorties d’une seule et même bouche. »

On reconnaît là l’esprit de tolérance inhérent à cette race tartare dont les Chinois me semblent être la portion civilisée. L’on sait que les descendans de Gengis-Khan s’entouraient de docteurs musulmans, bouddhistes et chrétiens, qu’ils se plaisaient à mettre aux prises, également favorables et indifférens à tous les cultes, et que l’un d’eux, après une longue discussion entre les champions de ces diverses croyances, montra sa main à un bon franciscain en lui disant : « Combien ai-je de doigts ? — Cinq. — Et cependant c’est la même main ; il en est ainsi de vos religions. »

On ne voit rien ni dans les conquêtes des Tartares, ni dans l’histoire de la Chine, qui ressemble aux persécutions religieuses si fréquentes par toute la terre. Bien long-temps avant que la tolérance fût proclamée en Europe, elle régnait au fond de l’Orient. Cette disposition tolérante aida certainement à l’introduction de la religion chrétienne dans l’empire. Plus tard le christianisme fut persécuté par un motif de jalousie et de défiance politique, et non par un motif de foi. S’il pouvait de nouveau mettre ouvertement le pied sur le sol de la Chine, il n’aurait à rencontrer et à vaincre rien de semblable au fanatisme des pays musulmans, et, favorisé par le déisme des lettrés, par la douceur de la morale des bouddhistes et des tao-ssé, il ferait, je n’en doute pas, de rapides progrès dans le royaume du milieu, le pays de la terre, je crois, le mieux disposé à devenir promptement chrétien.

L’histoire de la secte des tao-ssé offre l’exemple d’une religion