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gère, le niveau s’établirait. Les nouveaux procédés de filature passeraient la mer. La distinction se ferait entre les qualités. Les fils de qualité supérieure, comme les nôtres, seraient estimés à leur véritable valeur en présence des fils grossiers de l’Inde ou de l’Océanie. La concurrence aurait son résultat habituel ; elle mettrait tout à sa place.

Ces raisons étaient très bonnes sans doute, et les réclamations, de plus en plus vives, de nos producteurs de fils n’auraient peut-être pas été suffisantes pour justifier une augmentation de droits, si une nouvelle considération n’était venue à l’appui des plaintes de l’industrie linière ; cette considération décisive, c’est celle de la Belgique.

La Belgique n’est pas moins intéressée que la France à la question des fils de chanvre et de lin. L’industrie des fils est la première des industries de la Belgique. Le linge de Flandre a été célèbre bien anciennement. La Belgique importait autrefois en France beaucoup de fils et de toiles, mais elle avait été atteinte elle-même par la concurrence des produits anglais, et ses importations chez nous baissaient dans une proportion énorme à mesure que celles d’Angleterre s’accroissaient d’autant. Cet état de choses inquiétait la production flamande au moins autant que la production française, et le gouvernement belge se montrait aussi préoccupé que le nôtre de la question de nos tarifs. De son côté, le gouvernement français voyait la question s’élever et changer de caractère par l’intervention de l’intérêt belge.

Un mot a été jeté depuis quelque temps dans le monde politique. Ce mot est celui-ci : Union commerciale de la Belgique et de la France. À peine prononcé, il a soulevé, tant en France qu’en Belgique, de vives adhésions et des répulsions non moins vives. En Belgique, la nation proprement dite, qui est éminemment intelligente en fait d’intérêts matériels, s’est montrée aussitôt favorable à l’union, qui, en effet, aurait de grands avantages pour l’industrie et le commerce du pays, à qui elle ouvrirait un marché de trente-quatre millions d’hommes ; le gouvernement, au contraire, chambres et ministère, s’est montré peu disposé, en ce qu’il a craint que l’union commerciale ne diminuât l’indépendance de la Belgique comme nation et ne finît peut-être par amener sa réunion complète à la France. En France, c’est l’inverse qui est arrivé. Le gouvernement, frappé de l’utilité politique d’une pareille union, aurait voulu la consommer ; le pays, au contraire, par l’organe de ses principaux représentans et surtout des chambres consultatives du commerce, de l’agriculture et de l’industrie, s’en est montré effrayé comme d’une concurrence dangereuse pour ses industries.

Le gouvernement français avait entamé des négociations avec la Belgique. Il avait été d’abord question de l’union, mais, en présence des démonstrations faites en France par les intéressés et des tergiversations des Belges, il avait fallu y renoncer. On avait parlé alors d’un simple traité de commerce ; mais les mêmes difficultés s’étant rencontrées, on avait dû encore s’arrêter. Notre gouvernement en était là, quand l’affaire des fils de lin lui a fourni une occasion naturelle de renouer la négociation. Voici comment il s’y est