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remplacent la monnaie dans la circulation. C’est à ce point que, selon leur manière de voir, le numéraire se retirerait de la circulation exactement dans la même proportion que les billets de banque y seraient entrés. Mais comment expliquer une semblable hypothèse, soit en principe, soit en fait ? En principe, est-il concevable que des billets qui ne sont pas une monnaie, qui ne méritent pas même le nom de monnaie fictive, entrent cependant dans la circulation au lieu et place de la monnaie réelle ; qu’ils y remplissent exactement les mêmes fonctions ; que, reprenant à la monnaie son office, la déshéritant de son emploi, ils la chassent de la circulation, au point de la forcer à chercher un refuge à l’étranger ? En fait, comment s’opère cette prétendue substitution ? par quels moyens s’exécute-t-elle dans la pratique ? quels en sont les agens réels ou apparens ? Dans la pratique, les billets de banque sont ordinairement, et sauf quelques exceptions assez rares qui ne tirent point à conséquence, délivrés aux commerçans en échange de leurs effets. Il semble donc, à en juger par ce fait apparent, qu’ils aillent dans la circulation remplacer tout simplement les effets de commerce. Par quelle étrange et mystérieuse transformation de substance, ces billets, substitués par le fait à d’autres billets, se trouvent-ils sans le savoir remplacer l’argent ? Il faut convenir qu’un semblable phénomène demandait quelque explication ; mais cette explication, on se garde bien de la donner. Que M. J.-B. Say regarde toute cette théorie comme une des plus belles démonstrations d’Adam Smith, permis à lui ; mais, malgré notre juste respect pour A. Smith, il nous est impossible d’y voir autre chose qu’un jeu d’esprit, une puérile hypothèse, entée sur quelques préjugés vulgaires, et imaginée, faute de mieux, pour tourner des problèmes dont on n’avait pas la solution.

Écartons donc toutes ces vaines théories. Il faut tâcher de nous rendre un compte mieux raisonné et plus satisfaisant des fonctions que les banques remplissent. Si nous venions à échouer, après tant d’autres, dans cette entreprise, les banques n’en resteraient pas moins d’admirables institutions, dont les bienfaits, de quelque principe qu’ils dérivent, sont constatés par l’expérience. Mais les hommes ne croient guère à la réalité des biens dont ils ne s’expliquent pas la source.

Comme le véritable objet des banques est, selon nous, de favoriser et d’étendre le crédit commercial, nous devons, pour procéder avec logique, montrer d’abord ce que c’est que le crédit et quels sont les avantages qui en découlent. Occupons-nous donc, avant tout, du crédit. Nous verrons ensuite comment les banques concourent à son développement.

Quoique bien peu de gens comprennent les effets magiques du crédit, et sachent mesurer toute l’étendue de sa puissance, il n’est personne qui ne connaisse l’emploi de ce mot et le sens ordinaire qu’on y attache. Dans l’acception la plus générale, le crédit, c’est la confiance, en tant qu’elle s’applique aux relations commerciales. L’acte par où cette confiance se manifeste le plus ordinairement, c’est le prêt, c’est-à-dire l’avance d’un capital faite par celui qui le possède à celui qui le demande, moyennant l’obligation con-