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DU CRÉDIT ET DES BANQUES.

commerçans pourvoiraient eux-mêmes au placement de leurs billets. Pour cela, que faut-il ? Une seule chose : que les billets de l’un soient aisément acceptés par l’autre, et qu’ils circulent de main en main. Ainsi, le négociant qui aura reçu un billet pour des marchandises par lui livrées à crédit s’en servira pour acheter ou les matières premières ou les instrumens nécessaires à son travail, sans préjudice de ceux qu’il pourra créer dans le même but. Il le passera donc à l’ordre de son vendeur, ce dernier le passera à son tour à l’ordre d’un autre producteur dont il aura des marchandises à recevoir ; ainsi de suite jusqu’à l’échéance. Si une pareille circulation pouvait s’établir d’elle-même et se maintenir toujours suffisamment active et générale, on n’aurait besoin ni des banquiers particuliers ni des banques publiques, et le crédit porterait, sans l’intervention de personne, tous ses fruits. On peut même concevoir comment l’emploi du numéraire deviendrait alors presque inutile dans les transactions commerciales, son office étant suppléé par le papier des commerçans, comme il l’est quelquefois par les billets de banque. Puisque chaque négociant aurait à la fois donné et reçu des billets, on pourrait, aux jours des échéances, faire la compensation des uns et des autres, et par cette seule compensation éteindre, sans l’emploi du numéraire, tous les engagemens réciproques. Mais ceci suppose, ce qui n’est pas, que tous les commerçans se connaissent entre eux ; qu’acheteurs et vendeurs, écartés et dispersés comme ils le sont, peuvent toujours au besoin se rapprocher et s’entendre, qu’ils ont tous les uns dans les autres une confiance égale. Cela suppose même que l’importance des billets dont un commerçant est porteur cadre toujours avec celle des achats qu’il veut faire ou des paiemens qu’il doit effectuer ; que les billets donnés ou reçus tombent constamment en des mains connues, où l’on puisse aisément les suivre et les reprendre ; que les échéances mêmes se rapportent. Il s’en faut bien que les choses soient ainsi dans la réalité, et c’est parce que cette circulation libre, et pour ainsi dire spontanée, rencontre, dans le monde commercial des obstacles matériels ou moraux de tous les genres, que le commerce a besoin d’une assistance étrangère pour la favoriser ou pour la remplacer.

Il y a deux manières de s’entremettre dans la circulation du papier commercial. La première consiste à opérer purement et simplement la négociation des billets pour le compte de ceux à qui ils appartiennent, sans s’y intéresser soi-même, et en se bornant à chercher des tiers qui aient besoin de ces billets ou qui veuillent bien s’en charger. C’est celle des courtiers ou agens de change, toujours étrangers aux billets qu’ils négocient. La seconde consiste à reprendre les billets de ceux qui les ont, en leur en payant la valeur, sauf à les remettre ensuite dans la circulation pour son propre compte. Cette seconde manière est celle des banquiers, dont l’usage est d’escompter, c’est-à-dire d’acheter les billets qu’on leur présente et de faire ensuite leur affaire propre de leur placement, après les avoir revêtus de leur signature. De ces deux manières, la seconde est incontestablement supérieure à l’autre, à tel