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pèlerinage. — Eugilde va chercher le sien au fond de la Syrie et l’arrache du milieu des Sarrasins. — Ildegarde réconcilie, par sa douceur, deux amis d’enfance. — Eligi e Volafrido sont Damon et Pythias sous l’armure des chevaliers. — Pour Ebelino, c’est un Job chrétien, un type de la résignation dans le malheur qui devait plaire au poète, c’est Pellico lui-même. — Adello, au contraire, est une espèce de Cid italien qui s’illustre par de hauts faits pour combattre un amour coupable, car son Héloïse était mariée :

Inutil culto !
Inutil, non, giacchè sublima il core
[1] !

Il sauve la fille du roi Bérenger des fers d’un usurpateur, délivre Venise, Amalfi, et meurt comme Bélisaire. Il y a dans ce dernier poème quelques vers qui pourraient bien être un reproche indirect adressé au peuple italien :

Ah ! in molti petti è l’ira, il desio in tutti
Della vendetta, la virtù in nessuno
[2] !

Bien que se rapprochant, par le cadre et le sujet, du romance espagnol, la cantica de Silvio en reste bien loin quant à la vigueur, à l’originalité, à la concision. Elle est écrite en vers blancs, versi sciolti, les plus difficiles de tous à cause de leur facilité même. L’écueil de ce rhythme est la verbosité ; faute de digues, le fleuve déborde. Silvio n’a pas évité l’écueil : il tombe trop souvent au contraire dans cette abondance stérile que Voltaire reproche à un poète de son siècle, et il noie son sujet dans un flux de mots où l’esprit flotte sans savoir où se prendre. Dans le drame, qui s’écrit aussi en vers sciolti, le dialogue soutient et limite l’auteur par ses coupures et ses temps d’arrêt nécessaires. Dans la poésie épique ou lyrique, il n’en est plus ainsi : le poète est libre ; mais, si cette liberté a des charmes, combien elle a de périls ! Ici point de rimes, plus de retours successifs, de cadences alternatives, aucun de ces artifices au moyen desquels on frappe l’esprit par l’oreille. Toute l’harmonie est dans la période, et la faculté de l’enjambement devient une difficulté de plus. Annibal Caro est le législateur, sinon le fondateur, du vers sciolto ; il en a fixé les règles par son exemple, et depuis lui peu de poètes l’ont égalé ;

  1. « Culte inutile ! Inutile, non, puisqu’il élève le cœur. »
  2. « Ah ! la colère est dans beaucoup de murs, le désir de la vengeance dans tous, la vertu dans aucun. »