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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE L’ITALIE.

peu, très peu ont possédé comme lui le mécanisme de ce doux mais dangereux instrument. Foscolo est celui qui de nos jours en a su tirer les plus beaux accords ; sous le rapport de la forme, son poème lyrique des tombeaux, I Sepolcri, est un chef-d’œuvre inimitable.

Silvio a publié à la suite de ses Cantiche un recueil de poésies intitulé Poésies inédites ; c’est, à mon gré, ce qu’il a fait de mieux. Les unes, tout-à-fait mystiques, ne sont pour ainsi dire que des paraphrases de l’Imitation ; les autres sont des élégies sur la jeunesse du poète, sur ses souvenirs, ses parens, ses amis, ses passions, ses regrets, sa patrie, je veux dire la ville de Saluces, pour laquelle il a une prédilection toute municipale. Il parle peu de ses malheurs politiques, il ne revient qu’une fois sur le Spielberg, et en effet n’a-t-il pas tout dit en prose ? Le monde intime est son milieu ; il s’y plaît tant, qu’il ne le quitte plus, une fois qu’il y est descendu. Poète subjectif, il aime son moi, il le caresse, il ne voit que lui partout. Vous croyez peut-être qu’il cherche dans les livres ce qu’ils renferment ; écoutez-le : — « Plus d’un livre m’est cher, nous dit-il[1], et rarement pourtant c’est lui que je cherche en lui ; j’y cherche moi-même. » Évidemment, ce n’est point ainsi que procède le génie dramatique : Silvio convient lui-même[2] qu’il n’a de goût à écrire que dans le genre lyrique ou narratif. Il n’a pas un sentiment très vif de la nature. Les descriptions qu’il en fait n’ont guère d’originalité ; il la voit, il la peint comme tout le monde. Le caractère général de ses poésies personnelles, c’est la douceur, la grace, la modestie, et lorsqu’il nous confesse ses amours passées, il le fait avec une réserve pudique qui n’est pas sans charme. Remarquons tout bas que, si on voulait bien compter, on pourrait trouver jusqu’à trois Elvires. Ô dévot ! vous étiez donc volage ? Presque toutes les pièces du recueil se terminent par une conclusion religieuse. C’est un parti pris et un scrupule de conscience. Si rien n’est plus excusable au point de vue moral, au point de vue littéraire c’est un peu monotone. Malgré ce final obligé, on peut dire que Silvio, comme artiste, n’a pas d’inspiration originale, et qu’il ne part point d’une idée-mère. Aussi chercherait-on vainement dans son œuvre cette haute unité de conception qui n’exclut pas la variété des formes, mais qui la domine, et ne sert qu’à la mettre plus en relief.

  1. Più d’un libre m’ è caro, e pur in esso
    Di rado cerco lui ; cerco me stesso.
    — (Le Passioni.)

  2. Mie Prig., cap. ined., XII.