Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/937

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
933
POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE L’ITALIE.

« Qui rendra l’amour du chant au prisonnier ? Toi seul, ô soleil, divin trésor de lumière.
« Oh ! comme, par-delà ces ténèbres de mon sépulcre, tu enivres d’amour la nature entière !
« De ces flots, de ces torrens de féconde lumière que tu répands sur les mondes et qui par toi donnent la vie aux mondes,
« Si une faible goutte réjouit ma prison, elle aussi se réveille, et ce n’est plus une tombe.
« Mais, hélas ! pourquoi épanches-tu si rarement tes dons sur ces funestes contrées ?
« Oh ! viens plus souvent y briller, maintenant que des poitrines italiennes y gémissent plongées dans de tristes cachots.
« Moins accoutumé à tes splendeurs, le Slave n’éprouve ni si profond ni si ardent l’amour de la lumière.
« Mais nous, dès le berceau habitués à t’aimer, il nous faut bien te chercher, te voir… ou mourir !
« Oh ! que jamais, sous le ciel lointain de ma douce patrie, un voile d’horreur ne t’enveloppe long-temps !
« Brille aux regards du père, brille aux yeux de la mère de ce pauvre captif, et que ton joyeux rayon enchante leur douleur !
« Mais qu’importe où va gémissante cette dépouille abandonnée, si Dieu m’a donné une ame que nul ici-bas ne peut enchaîner[1] ? »

À côté du poète, il y a dans Pellico le prosateur. Le traité des devoirs, Dei Doveri degli Uomini, est le dernier de ses ouvrages en prose. Ce petit livre, adressé à un jeune homme, affecte les formes primitives du catéchisme ; aussi bien n’est-il autre chose qu’un catéchisme de morale que l’on pourrait sans aucune espèce d’inconvénient faire apprendre par cœur aux catéchumènes. Rien certes n’est plus honnête, mais c’est un peu fade, et il ne faudrait pas serrer de trop près l’argumentation du moraliste : elle n’est pas toujours concluante. Le XIXe siècle s’est placé sur un terrain plus solide : il cherche à la morale éternelle formulée dans le christianisme des bases nouvelles, car les anciennes sont ébranlées. Si dévoué que soit Pellico aux antiques formules, il reconnaît lui-même qu’il faut marcher toujours, et il s’élève, avec une énergie qui, sous sa plume, est presque de la violence, contre les ennemis du progrès : « Celui, dit-il, qui hait la réforme possible des abus sociaux est un scélérat ou un fou[2]. » Toutefois, malgré ce bon mouvement, Pellico a le

  1. Nous ne pensons pas que cette pièce ait été imprimée en Italie ; elle parut dans une édition de Silvio Pellico faite à Leipzig.
  2. Dei Doveri. Cap. XVI.