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FEU BRESSIER.

M. Cotel jeune. — Vous disiez tant que vous mangeriez des clous.

M. Morsy. — Je ne m’en dédis pas ; mais des clous seraient moins durs que vos pigeons.

Cotel jeune. — Nous allons voir votre omelette.

Morsy. — Oh ! mon omelette, je la soumets aux connaisseurs.

Mlle Morsy. — Votre omelette aux oignons ?

Morsy. — Comme vous dites, mademoiselle Morsy. — Tenez, Cotel, qu’en dites-vous ?

Cotel. — Je la trouve fade.

Morsy. — Je vous récuse. — Arnold, parlez.

Arnold. — Désolé de la trouver fade.

Morsy. — Ah ça ! voyons… en effet… l’oignon ne s’y fait pas sentir. — Marcel, donnez-moi le reste de vos oignons.

Mlle Morsy. — Crus ?

Morsy. — Crus, hachés menu. C’est d’un merveilleux effet dans l’omelette.

Marcel. — J’ai tout haché.

Morsy. — Allez en chercher d’autres, c’est votre département.

(Marcel sort.)

Arnold. — Eh bien ! êtes-vous fâchés d’avoir dîné ici ? Ce qu’il y a de plus gai et ce que je ne vous dis qu’à présent, parce qu’il n’est plus temps de reculer, c’est que M. Bressier n’est sorti que parce qu’il s’est parfaitement rappelé ses invitations.

Cotel aîné. — Vous croyez ?

Arnold. — J’en suis sûr ; les invitations sont de la main de Mme Bressier. Elle les aura faites sans le prévenir, et averti au dernier moment, saisi d’une recrudescence d’avarice, il l’aura emmenée de force à la ville.

Morsy. — Vous croyez qu’il serait capable…

Arnold. — Il est capable de tout dans ses accès de lésine. Je l’ai connu garçon ; aujourd’hui vous ne pouvez pas l’apprécier, parce que ma cousine lutte contre lui et le gêne ; mais, avant son mariage, il se livrait sans frein à la plus horrible avarice que j’aie vue. Il avait imaginé de déjeuner et de dîner dans un tiroir qu’il fermait au moindre coup de sonnette, pour n’être pas surpris mangeant et obligé d’offrir quelque chose à quelqu’un.

Morsy. — L’idée est ingénieuse, mais je ne puis croire qu’aujourd’hui… Ah ! voilà Marcel !

Marcel. — Morsy, voici vos oignons.

Morsy. — Eh ! mon Dieu ! quels oignons est-ce là ? Je crois bien