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DU SORT DES CLASSES LABORIEUSES.

de transformer la société, de changer l’ordre des relations établies. L’homme qui, un des premiers, a dénoncé les vices de notre constitution industrielle, M. de Sismondi, termine son livre par une phrase qui semble un soupir de découragement : « Après avoir indiqué, dit-il, où est à mes yeux le principe, où est la justice, je ne me sens point la force de tracer les moyens d’exécution. La distribution des fruits du travail entre ceux qui concourent à les produire me semble vicieuse ; mais il me semble presque au-dessus des forces humaines de concevoir un état de propriété absolument différent de celui que nous fait connaître l’expérience. » Un même découragement glacera tous ceux qui, cherchant un état social absolument différent de ce qui existe, iront se heurter à des impossibilités. Au lieu de délibérer pour savoir si le mal peut être anéanti d’un seul coup, attaquons-le partiellement, sans négliger un seul des moyens de l’amoindrir. Nous avons indiqué quelques-unes des mesures qui pourraient être essayées ; des études plus spéciales, une connaissance plus approfondie des faits, en suggéreraient beaucoup d’autres. N’oublions pas la double loi historique que nous avons constatée plus haut : — les nations dont l’industrie se développe sans contrainte réalisent une grande puissance, mais sont exposées aux dissensions intérieures produites par l’inégalité des fortunes ; — les nations dont l’industrie est entravée languissent tristement, sans considération politique. — De cette observation découle une règle de conduite que nous formulerons ainsi : faire pour les classes ouvrières tout ce qui peut être fait, sans nuire au développement de la puissance nationale.


A. Cochut.