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cette vie intellectuelle et rendre toute abstraction impossible. Le gouvernement napolitain laisse, de fait du moins, une grande liberté à la pensée. Il s’applique en même temps à conserver ou à améliorer les institutions que la domination française avait introduites dans le royaume. Parmi les monarchies qu’on a appelées administratives, le royaume de Naples a sans doute le droit d’être placé au premier rang par son organisation uniforme et régulière, et par l’esprit d’amélioration et de progrès qui l’anime.

Ainsi que nous l’avions annoncé, M. Olozaga est arrivé à Paris, chargé d’une mission auprès du roi des Belges. Il n’a pu déployer à Paris son caractère diplomatique, et tout porte à croire que nos relations avec l’Espagne resteront quelque temps encore sur le pied actuel. C’est une situation qui donnera un jour d’utiles résultats. Les Espagnols fixent rarement leur attention sur les pays étrangers, et, en conséquence, ils ne comprennent que fort tard les changemens qui s’y opèrent et les modifications que ces pays subissent. Ce diplomate espagnol qui, en parlant il y a peu d’années des Hollandais, les taxait de rebelles, était un fidèle représentant de son pays. Il ne manquait ni de connaissances, ni d’esprit ; seulement le temps, en ce qui concerne les droits et les intérêts de l’Espagne, n’avait pas marché pour lui. Les Pays-Bas lui paraissaient encore des sujets révoltés de Philippe II ; de même la France s’est long-temps, trop long-temps peut-être, mêlée directement des affaires de l’Espagne. De Louis XIV à Louis XVIII, l’Espagne a vu plus d’une fois les armées françaises pénétrer sur son territoire et disposer du gouvernement du pays. Faut-il s’étonner que le peuple espagnol en soit venu à croire que le gouvernement français, malgré ses protestations et sa conduite, n’a d’autre pensée, à l’égard de l’Espagne, qu’une pensée d’intervention ? Sans doute, pour quiconque connaît les conditions nouvelles de notre gouvernement, c’est là un préjugé qu’on peut avec raison appeler ridicule ; mais les Espagnols (je parle des masses) regardent peu ce qui se passe hors de l’Espagne : la France de juillet est encore à leurs yeux l’ancienne France. Ils sont convaincus que nos principes politiques ne sont pas changés, et ils portent au fond de leur cœur, à notre égard, une méfiance que certes nous sommes loin de mériter. Le temps et l’expérience peuvent seuls dissiper ces vaines préoccupations de leur esprit. Aussi ne faut-il pas trop regretter l’interruption de nos relations diplomatiques ; c’est là un de ces faits qui frappent les yeux de la multitude. Il est par trop apparent que ce n’est pas la France qui cherche aujourd’hui à exercer à Madrid une influence illégitime : la France s’abstient complètement ; elle se borne à faire des vœux pour la prospérité de ses voisins et à entretenir religieusement les relations de bon voisinage. Cette conduite prudente et loyale dessillera les yeux des Espagnols ; tout annonce déjà que cet effet moral ne tardera pas à se réaliser, et alors nous verrons se rétablir les rapports qui sont naturels aux deux états, rapports tout de bienveillance et d’intérêt réciproque, car il n’est pas de pays dont les intérêts soient plus faciles à concilier et à régler. La France et l’Espagne n’ont