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REVUE DES DEUX MONDES.

LE MINISTRE.

Tout de suite ; j’ai bientôt fini avec monsieur.

(Le secrétaire-général rentre dans le cabinet particulier.)
LE DÉPUTÉ.

Que je ne vous retienne point.

LE MINISTRE.

Vous plaisantez ; les affaires après le plaisir. Je puis bien consacrer quelques instans à une causerie amicale. Vous ne me dites rien des Italiens, vous, un dilettante furieux ?

LE DÉPUTÉ.

La dernière représentation a été ravissante. Mario fait chaque jour de nouveaux progrès… Je vous disais donc que mon frère réunit toutes les conditions…

LE MINISTRE.

Nous en reparlerons… Comment trouvez-vous Grisi ? N’est-elle pas bien belle dans l’opéra nouveau ?

LE DÉPUTÉ.

Permettez-moi d’insister. Encore une fois, si je venais ici en solliciteur, j’éprouverais de l’embarras, et je ne voudrais pas, pour tout au monde, altérer ainsi le caractère de l’appui que je donne au ministère ; mais je parle dans l’intérêt de l’administration. Il lui importe d’avoir partout des agens sûrs et dévoués. Dijon est une ville difficile ; les passions y sont vives, les partis en présence ; il y faut une main de fer avec un gant de velours. Quand je connais l’homme qui peut vous y rendre le plus de services, je crois de mon devoir de vous le désigner, sans me laisser arrêter par cette misérable considération que cet homme est mon frère. On connaît assez, Dieu merci ! mon désintéressement.

LE MINISTRE.

Personne n’en doute. Je vous remercie de votre avis. L’affaire se décide en conseil ; parlez-en à mes collègues.

LE DÉPUTÉ.

(À part.) Il cherche à se dégager personnellement. (Haut.) Non ; je veux que vous ayez l’honneur de la désignation. Je vous ai dit la vérité. Maintenant, je me réserve seulement d’apprécier le tact du cabinet, d’après le choix qu’il fera. Vous voilà averti, je ne m’en mêle plus.

LE MINISTRE.

Je n’oublierai pas votre recommandation.

LE DÉPUTÉ.

Ma recommandation ! dites mon témoignage, rien de plus.