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FEU BRESSIER.

sont faites, il faut les user ; puis des finesses de tout genre, des modes nouvelles qui exigent que je fasse défaire et refaire tout ce que j’ai, etc. Enfin, comme on commençait à plaisanter sur l’opiniâtreté de mon deuil, il a semblé arriver un incident opportun. Ma tante m’a annoncé un jour qu’une lettre arrivée le matin lui apportait une fâcheuse nouvelle : un frère d’elle et de ma mère venait de mourir. C’était un nouveau deuil nécessaire. Je m’étonnai un peu de cette épidémie qui tombait si à propos sur les oncles ; puis je me résignai. Mais un hasard m’a appris que l’oncle que je pleurais officiellement, dont je portais pieusement le deuil, ce frère de ma mère et de ma tante, est mort il y a vingt-deux ans, à l’âge de onze mois et demi. Je n’ai pas parlé à ma tante de cette découverte, et je suis en deuil plus que jamais. Ma tante cependant commence à porter quelques bijoux.

« Comme ce qui se trouve encore de plaisirs à la ville continue à nous être défendu, comme nous ne pouvons aller ni au théâtre ni aux concerts, ma tante m’a annoncé ce matin qu’elle allait peut-être louer une maison de campagne pour la fin de la saison. Le deuil y sera moins officiel ; on n’y recevra que quelques amis.

« Pardon de ma trop longue lettre, chère Caroline ; mais je t’écris un peu comme le barbier du roi Midas parlait dans le trou qu’il avait creusé. Mes ennuis sont de telle nature, que je n’en puis parler à personne qu’à toi, et de temps en temps je sens mon cœur si plein, qu’il déborderait si je ne l’épanchais dans le tien. D’ailleurs, pour te raconter mes petits chagrins, je les habille, sans le faire exprès, de costumes comiques, et moi-même j’en ris un peu. Cela diminue leur importance quand je me retrouve seule avec eux.

« Mélanie. »
XIX.
MÉLANIE À CAROLINE.

« Depuis ma dernière lettre, ma tante et moi nous sommes devenues extrêmement pastorales. Je vais te dire comment cela est arrivé.

« Un de ces jours derniers, comme nous allions voir, je crois, la vingtième des maisons de campagne qu’on nous avait indiquées, nous ne trouvâmes pas une vieille femme qui est chargée de la faire voir. L’extérieur de cette maison plaisait assez à ma tante ; mais il eût été bien ennuyeux de revenir un autre jour. On résolut d’at-