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FEU BRESSIER.

qui est assis avec Arolise dans un petit kiosque, que la société arrive, qu’on voit une des voitures descendre le chemin qui conduit à la rivière.

Déjà depuis une heure, du Bois prépare, non sans quelque anxiété, son coup de théâtre. Il a juré mille fois à Arolise qu’il l’aimait pour elle-même, qu’il l’aimerait de même si, au lieu d’être une femme du monde et une femme élégante, elle était une simple bergère. Il demande à Arolise si, de son côté, elle l’aime pour lui-même ; à quoi Arolise ne peut faire autrement que de répondre oui.

Il fait l’éloge de la retraite, de la médiocrité ; Arolise le laisse parler et regarde négligemment à travers les vitraux du kiosque. Après ce qu’a annoncé le domestique, du Bois voit qu’il n’y a plus à hésiter. Il demande à Arolise si elle pardonnerait une tromperie qu’il lui avait faite, entraîné par la passion invincible qu’elle lui avait inspirée ; mais il s’aperçoit qu’elle ne l’écoute pas, qu’elle est troublée ; elle a vu Louis qui rôdait dans l’île, elle craint qu’il ne vienne dans le kiosque.

— Monsieur de Wierstein, dit-elle à du Bois, voici un batelier qui vous cherche sans doute ; ne le laissez pas venir jusqu’ici.

Du Bois regarde ; il ne veut pas non plus que Louis parvienne jusqu’à Arolise. Il sort du kiosque. Louis lui parle bas, lui montre la lettre de Mélanie, en disant : — Il faut que je la lui remette, je l’ai promis à la nièce.

— Non, répond du Bois, je vais la lui donner ; c’est elle qui m’a dit de ne pas te laisser entrer dans le kiosque.

Il quitte Louis, retourne près de Mme de Liriau, et lui dit : Voici un mot que votre nièce a chargé un batelier de vous remettre.

— Monsieur de Wierstein, dit Arolise, dites à ce batelier de ne pas s’éloigner ; je ne veux pas qu’on nous trouve ainsi seuls encore.

Il ressort et dit à Louis : — Cela va bien ; j’allais lâcher le grand mot quand tu es arrivé. Cela n’ira pas si mal que je le craignais. Elle est déjà bien préparée. Ne t’éloigne pas ; elle ne veut pas qu’on la trouve seule avec moi.

Du Bois rentre et trouve Arolise pâle et tremblante. Il lui demande ce qu’elle a. Elle répond qu’elle n’a rien, ainsi que répond toute femme à pareille question. On entend des voix et des pas. Du Bois se jette aux genoux d’Arolise et lui dit : Pardonnez à ma passion, qui m’a fait vous tromper ; je ne m’appelle pas de Wierstein, mais du Bois. Je vous adore ; je passerai toute ma vie à me faire pardonner une innocente supercherie qui ne prouve que l’ardeur de ma passion pour vous.