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HISTORIENS ESPAGNOLS.

doña Francisca Pacheco, était fille de don Juan Pacheco, marquis de Villena, et premier duc d’Escalona. Don Diego fut le cinquième enfant mâle de cette union. Ses frères occupèrent tous de grands emplois. L’aîné, don Luis, fut capitaine-général du royaume de Grenade ; le second, don Antonio, vice-roi des deux Amériques ; le troisième, don Francisco, évêque de Jaen ; le quatrième, don Bernardino, général des galères d’Espagne.

Son père, que les historiens espagnols appellent le grand comte de Tendilla, avait été nommé par Ferdinand-le-Catholique gouverneur militaire de Grenade, aussitôt après la conquête. C’est à lui que revint la tâche difficile de faire accepter le joug chrétien par la population moresque à peine soumise et toute pleine encore des souvenirs de sa longue lutte. Il y parvenait par un mélange de bienveillance et de justice, de fermeté et de douceur, quand le zèle inexorable du cardinal Ximenès vint détruire son ouvrage et provoquer autour de lui des soulèvemens populaires. Il réprima alors avec un courage intrépide les séditions qu’un autre avait fait naître ; sa femme elle-même prit une part virile à ses dangers, et les clameurs furieuses de l’Albaicin, faubourg populaire de Grenade, retentirent plus d’une fois autour du berceau de ses enfans. C’est au milieu de ces scènes violentes, de ces murmures tour à tour étouffés et grondans, de ces colères subites d’un peuple qui mord sa chaîne, de ces combats et de ces alertes de chaque jour, que naquit et grandit dans l’Alhambra le futur historien de la dernière défaite des Maures.

Il passa sa première enfance à Grenade, où il commença ses études, et où il prit les premières notions de la langue arabe qu’il cultiva toute sa vie. Il fut envoyé ensuite à la fameuse université de Salamanque, où il étudia les langues anciennes et la philosophie du temps. C’est là, dit-on, qu’il écrivit pour se divertir le premier roman bouffon qu’ait eu l’Espagne, et qui a servi de modèle à tous les autres, la Vie de Lazarille de Tormes, petit livre très court, mais très vivement écrit, sans drame, sans conclusion, sans intrigue, sans dénouement, mais contenant une série de portraits épisodiques tracés avec verve. Lazarille est un pauvre diable de valet qui a bien de la peine à trouver à vivre ; il passe successivement sous plusieurs maîtres, et, à l’aide de ce cadre ingénieux et commode, l’auteur esquisse gaiement les diverses conditions de la société espagnole à cette époque. Tout ce qu’on sait de la haute naissance de Mendoza, des hautes dignités qu’il remplit plus tard, et du caractère sévère qu’il montra, ne s’accommode guère avec la vulgarité de cette œuvre