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HISTORIENS ESPAGNOLS.

vers la fin du plus beau temps de l’Italie moderne, celui qu’on a appelé le siècle de Léon X. Près de cent ans s’étaient écoulés depuis la chute de Constantinople, la renaissance des lettres antiques avait eu le temps de faire des progrès immenses en Occident. Les fameuses universités de Bologne, de Padoue, de Pavie, de Rome, brillaient de tout leur éclat. Les arts commençaient à décroître, après avoir atteint l’apogée de leur perfection possible ; Raphaël venait de mourir. La littérature s’élevait encore ; Machiavel finissait, le Tasse allait naître, Guichardin écrivait. L’Italie était la maîtresse de la civilisation universelle ; toutes les nations allaient s’instruire à son école. Il y avait surtout, entre l’Espagne et cette terre privilégiée, des rapports intimes et en quelque sorte fraternels. L’esprit italien débordait sur l’Espagne par toutes les voies, par la guerre, par le commerce, par la politique. Ce qu’on a appelé le siècle d’or en Espagne a succédé au siècle de Léon X, et en dérive directement.

Mendoza put s’abreuver largement à ces sources du génie ; il passa en Italie environ trente ans. Charles-Quint l’avait distingué, et lui donna plusieurs postes de confiance. En 1538, il était ambassadeur à Venise ; plus tard, il fut nommé gouverneur de Sienne, et enfin ambassadeur à Rome. Il ne revint en Espagne qu’après la mort de Charles-Quint. Il fut mêlé, pendant ses ambassades, à toute la politique de son temps. Ce fut lui qui assista pour l’empereur aux premières réunions du concile de Trente, et qui adressa, au nom de son maître, au pape Paul III une vigoureuse et solennelle protestation contre le déplacement du concile. Mais au milieu de ces graves occupations, son plus grand penchant fut toujours pour les lettres. Il s’entourait de savans avec qui il aimait à converser. Il dépensait beaucoup de temps et d’argent à rechercher les manuscrits antiques pour les sauver de la destruction. Il envoya à ses frais dans le fond de la Grèce, au mont Athos, des émissaires chargés de recueillir ces précieux monumens de l’antiquité. L’Europe moderne lui doit plusieurs œuvres importantes qui se seraient probablement perdues sans lui, ou qui du moins nous seraient parvenues tronquées ; on cite, entre autres, les œuvres de Josèphe, dont la première édition complète a été faite avec les manuscrits de sa bibliothèque.

Un jour il apprit que le grand-seigneur Soliman attachait beaucoup de prix à la délivrance d’un jeune Turc qui avait été fait prisonnier par les chrétiens. Il racheta lui-même le captif et le renvoya au grand-seigneur sans rançon. Soliman se montra très touché de cet acte de courtoisie et fit demander à Mendoza comment il pouvait lui