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HISTORIENS ESPAGNOLS.

Moncada vers 1620, Melo vers 1650. La vie de ces trois hommes comprend toute la période littéraire de l’Espagne. On peut dire que la littérature espagnole a commencé avec Mendoza et a fini avec Melo. Ce qui a précédé l’un et suivi l’autre n’est rien en comparaison de ce qui se trouve entre eux. Après Melo, il y a moins encore qu’avant Mendoza ; on ne peut guère plus nommer que Solis, qui mourut en 1686, et qui clot définitivement la liste des grands écrivains nationaux. Quand Melo parut, on en était déjà à la seconde moitié du siècle d’or. La première génération, celle de Cervantes, de Mariana, de Lope de Vega, avait disparu ; la seconde, celle de Calderon et de Moreto, tirait à sa fin. Nous avons vu avec Mendoza le premier effort de la grande histoire en Espagne ; nous allons voir le dernier avec Melo. L’astre éclatant qui avait long-temps éclairé l’Europe allait descendre de l’horizon. L’Espagne avait pris de l’Italie le sceptre littéraire et l’avait tenu dans ses mains pendant un siècle entier. Elle allait maintenant le passer à la France, dont le temps était venu. Le premier d’une famille de grands hommes, Corneille avait déjà commencé sa gloire par l’invitation des poètes espagnols ; Pascal n’avait pas écrit, Bossuet et Racine grandissaient encore, et la monarchie naissante de Louis XIV se débattait contre les troubles de la minorité.

Don Francisco Manuel de Melo naquit à Lisbonne le 23 novembre 1611. Le Portugal appartenait alors à l’Espagne, et Melo commença par servir le gouvernement espagnol. Il prit les armes de très bonne heure, combattit long-temps en Flandre, où il parvint au grade de mestre de camp, et prit part ensuite comme tel à la guerre contre les Catalans révoltés. Cette guerre s’ouvrit en 1640 ; Melo n’avait alors que vingt-neuf ans, mais il avait déjà fait ses preuves littéraires par des compositions poétiques estimées. Le roi Philippe IV et son ministre le comte-duc d’Olivarès le chargèrent d’écrire l’histoire de la campagne. Il remplissait avec zèle son double devoir de soldat et d’historien, quand survint la séparation du Portugal et de l’Espagne. Justement soupçonné de dévouement à son pays, il fut saisi, chargé de fers et conduit à Madrid, où il passa quatre mois en prison. Dès qu’il fut libre, rien ne put l’empêcher de passer en Portugal, où il rendit d’utiles services au duc de Bragance devenu roi. Il prit part à la négociation du traité de paix entre le Portugal et l’Angleterre, contribua activement à la formation d’une armée nationale et fit construire sous sa direction une partie des fortifications de Lisbonne. Il fut bien mal récompensé de tous ces efforts patriotiques ; persécuté en Espagne pour son attachement au Portugal, il paraît avoir été