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DIPLOMATIE ÉTRANGÈRE.

violation de territoire neutre, cela n’est pas douteux ; mais que les autorités américaines eussent commis préalablement, ou pour le moins permis de commettre, une violation du droit international, c’est ce qui est encore moins douteux. Le droit de défense personnelle est la première loi de la nature, et le ministre anglais dit avec raison que cette loi doit être reconnue dans tout code qui a la prétention de régler les relations des hommes. Maintenant, que tout état indépendant ait seul le droit de faire la police de son territoire, et de punir les offenses commises par ses sujets contre les lois internationales, dans les limites de sa propre juridiction, c’est ce que personne ne conteste, c’est ce que l’Angleterre elle-même ne contestait pas aux États-Unis. Seulement, la première condition de l’intégrité de ce droit, c’est que l’état qui le possède soit capable de l’exercer et montre la volonté de le faire respecter. Si le gouvernement des États-Unis ne conteste point ce principe, il en restreint l’application d’une manière véritablement inadmissible. Dans une note adressée le 24 avril 1841 à M. Fox, ministre britannique à Washington, M. Webster reconnaît que les citoyens américains qui s’étaient joints aux insurgés canadiens ont violé les lois internationales, et que le gouvernement des États-Unis est tenu de les punir ; « mais, dit-il, s’il s’est présenté des cas dans lesquels des individus, ayant encouru les peines de la loi, se sont soustraits à son atteinte, il n’y a là rien de plus que ce qui arrive pour toute autre loi. »

La doctrine peut être fort commode pour le gouvernement des États-Unis, elle l’est peu pour des gouvernemens plus réguliers. Le ministre anglais était parfaitement en droit de répondre à M. Webster : Le droit des neutres, comme tout autre droit, est réciproque ; nous respectons vos lois tant qu’elles nous protègent, mais dès que vous ne pouvez ou ne voulez pas les faire exécuter, nous recouvrons le droit de défense personnelle ; la violation active ou passive, de votre part, du droit international, nous rend l’usage du droit naturel, et nous nous faisons nous-mêmes la justice que vos propres lois nous doivent et que vous ne nous faites pas.

M. Webster fait usage de raisonnemens vraiment très particuliers pour justifier sa thèse. Il dit que sur une frontière comme celle qui sépare les possessions anglaises des états américains, assez étendue pour couper l’Europe en deux moitiés, il doit se présenter souvent des cas de collision indépendans de la volonté des deux gouvernemens, et il ajoute ces curieuses paroles : « Cela peut arriver d’autant mieux, sans qu’on puisse en faire un reproche aux États-Unis, que leurs institutions ne leur permettent pas d’entretenir de grandes armées permanentes en temps de paix, et que leur situation les exempte heureusement de la nécessité de maintenir ces dispendieux et dangereux établissemens. »

Ainsi, parce que les États-Unis sont assez bien situés sur le globe pour pouvoir se passer d’armée permanente, parce que le maintien de ces établissemens « dangereux » blesserait leur farouche indépendance, ou, ce qui est peut-être le plus vrai, parce que l’entretien de ces superfluités « dispen-