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DIPLOMATIE ÉTRANGÈRE.

tout à l’heure conclure une convention réciproque pour l’extradition des criminels ; mais, à ses yeux, l’esclave n’est pas une chose, c’est un homme libre ; en cherchant à recouvrer sa liberté par tous les moyens possibles, il ne viole point le droit commun, il ne fait que revendiquer l’exercice d’un droit naturel et inaliénable.

Le gouvernement américain prétend qu’en l’absence d’une loi spéciale de la part de l’Angleterre, la présomption est en faveur de la loi américaine. « Nous ne voulons point nier, dit M. Webster, que tout ceci puisse être refusé ; et ici se présente une distinction dont l’oubli est peut-être la cause de toutes les difficultés de ce genre, la distinction à établir entre ce qu’un état peut faire si cela lui plaît, et ce qu’il est présumé faire ou ne pas faire en l’absence de toute déclaration positive sur ses intentions… Le parlement anglais peut, sans aucun doute, déclarer, par une disposition expresse, qu’aucune juridiction étrangère d’aucune espèce n’existera, dans ou sur un navire, après l’arrivée de ce navire dans un port anglais ; mais, en l’absence de dispositions directes et positives à cet effet, la présomption est que la législation contraire existe. »

Nous avons reproduit cet argument, parce que nous croyons qu’il suffit de le retourner pour y répondre. La présomption est au contraire ici en faveur de la loi naturelle, telle que l’Angleterre la laisse subsister chez elle. C’est la loi américaine, qui, en établissant l’esclavage, est elle-même une loi spéciale ; et si une convention particulière devait être conclue, elle devrait l’être pour mettre le droit préexistant d’accord avec le droit local et spécial des États-Unis.

À la longue communication de M. Webster, lord Ashburton se contente de répondre qu’il n’a pas reçu d’instructions pour traiter cette affaire ; que, du reste, une question de cette nature sera plus convenablement traitée à Londres, où l’on sera à portée de consulter les plus hautes autorités légales. « Bien que, dit-il à M. Webster (6 août), bien que vous ayez avancé des propositions qui me surprennent et m’interdisent tant soit peu, je ne prétends cependant pas les juger ; ce qui est le plus clair, c’est qu’il y a de très grands principes impliqués dans cette discussion, qu’il ne me conviendrait pas de traiter légèrement… Du côté de la Grande-Bretagne, il y a certains grands principes trop profondément enracinés dans les consciences et les sympathies de la nation pour qu’aucun ministre puisse se risquer à les méconnaître ; tout engagement que je pourrais prendre en contradiction avec ces principes serait immédiatement désavoué. » Et pour conclusion, le plénipotentiaire anglais se borne à promettre que les autorités des possessions anglaises apporteront le plus de ménagemens possible dans leurs rapports avec les lois particulières des États-Unis.

Nous venons de voir l’Angleterre soutenir avec résolution une cause juste, nous allons voir maintenant la justice passer du côté des États-Unis dans la discussion d’une question où le gouvernement anglais apporte cet esprit d’usurpation et ce mépris hautain du droit des nations qu’il allie quelquefois