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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 octobre 1842.


L’attention des hommes politiques doit se fixer en ce moment sur la double direction des armées anglaises dans l’Inde et à la Chine. Ce sont là des faits bien autrement graves, bien autrement importans que ceux dont se préoccupe le vulgaire et qui agitent nos diplomates. Si les témérités du ministère whig eussent été couronnées d’un plein succès, l’Angleterre serait à cette heure aussi redoutable de l’autre côté de l’Indus qu’elle l’est au Bengale ; un agent anglais régnerait en Perse comme jadis un ministre de Catherine à Varsovie ; tous les artifices de la Russie au sujet de l’Inde se trouvant brisés par la force, il ne resterait au czar que la guerre ouverte pour essayer d’arrêter un torrent qui aurait franchi les défilés de l’Afghanistan et dompté la résistance opiniâtre des indigènes. D’un autre côté, le céleste empire aurait subi la loi de la Grande-Bretagne ; il lui aurait livré ses trésors et son commerce. Les Chinois auraient enfin appris que les barbares d’Europe sont plus habiles que les Tartares, qu’ils peuvent subjuguer la Chine sans se faire Chinois, et en exploiter les richesses sans en accepter pour eux-mêmes l’imbécillité et l’impuissance. Maîtres absolus de l’Inde, souverains de fait à Pékin, également redoutés à Constantinople et à Téhéran, possesseurs du Canada, d’une grande partie de l’Australie, du cap de Bonne-Espérance, sans compter toutes leurs possessions dans la mer des Antilles et dans la Méditerranée, les Anglais auraient laissé derrière eux les conquérans les plus renommés ; la moderne Carthage aurait obscurci la gloire de Rome ancienne.

Ces magnifiques résultats ne sont pas réalisés. L’Angleterre a rencontré au-delà de l’Indus une population courageuse, et qui, malgré sa barbarie, ne manque pas d’une certaine habileté ; elle a rencontré sur les côtes de la Chine des difficultés matérielles qui, en paralysant ses premiers efforts, lui