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FEU BRESSIER.

Ces réclamations furent transmises au prince Céderic, qui ordonna, sous les peines les plus sévères, que les objets réclamés fussent immédiatement rendus. Les conseillers du prince lui objectèrent dans une respectueuse remontrance :

1o  Que la dent redemandée n’avait pu être prise ni conservée, attendu son peu de valeur ; mais l’un des conseillers offrait au prince une de ses molaires pour indemniser le réclamant, qui ne pourrait reconnaître celle qui était perdue, surtout si on enfermait celle qu’on lui rendrait dans une boîte d’or ;

2o  Que la paire de bretelles était usée, mais qu’on en pouvait faire d’autres tellement magnifiques que le propriétaire n’hésiterait pas à les reconnaître pour siennes ; que, sous le rapport de l’objet chéri, on les ferait broder facilement par un objet à chérir, ce qui ferait un échange avantageux pour le Microbourgeois réclamant.

3o  Au sujet de la boucle de cheveux, les conseillers confessaient humblement qu’ils étaient assez embarrassés, ignorant même de quelle couleur étaient les cheveux égarés. Ils proposaient au prince de faire faire une enquête à Microbourg, pour retrouver la personne qui avait donné la boucle de cheveux.

L’infortuné Céderic approuva ses conseillers, et les supplia de se hâter. Seul dans son palais, quelquefois il se rappelait tous les exemples d’épouses perfides que nous a transmis l’histoire, et il frémissait en énumérant les dangers auxquels était exposée Mme Frédérique. D’autres fois, l’esprit mieux disposé, il récapitulait les femmes héroïquement fidèles dont on a gardé le souvenir, et il se sentait un peu encouragé. Puis il frémissait en songeant que la plupart de ces exemples étaient empruntés à la mythologie. Par momens, il se représentait le duc Ernest comme un vainqueur charmant, puis il se consolait en se disant : — Vainqueur ! comme tout le monde, car, dans cette affaire, tout le monde a été vainqueur et vaincu. — Mais il n’était pas persuadé que Mme Frédérique songerait à faire cette distinction, qui était un peu subtile et avait un peu l’air de couper un cheveu en quatre dans sa longueur. Il redoutait que la princesse ne le trouvât toujours assez vainqueur, si, par malheur, elle le trouvait charmant.

Pendant ce temps, les conseillers, ayant compassion des chagrins de leur prince, usaient de diligence pour obéir aux exigences du duc de Microbourg. On avait rendu les choses plus ou moins perdues réclamées par les habitans plus ou moins probes, tant que cela pouvait se faire avec de l’argent. Tel avait perdu un âne, qui pleu-