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DE L’UNION COMMERCIALE.

eux, notamment sur l’article des bestiaux. La Belgique était mécontente des traités auxquels nous avions concouru, ainsi que de la réduction de tarifs consentie sur les charbons anglais. Pour couronner le tableau, les cours du Nord assistaient à ce spectacle avec la satisfaction très peu déguisée de voir la révolution française s’agiter, en frémissant d’impuissance, dans le cercle de fer dont la sainte-alliance l’avait environnée.

Cependant d’autres états n’avaient pas cessé de s’étendre et de grandir. La Prusse notamment, en se plaçant à la tête des princes allemands pour former une association de douanes, tendait à donner à la confédération germanique la force de cohésion et l’unité qui lui avaient manqué jusque-là. Une véritable révolution s’opérait ainsi dans l’équilibre de l’Europe. Nos adversaires s’étaient fortifiés, pendant que nous nous étions affaiblis. L’état de choses créé par le traité de Vienne était aggravé à notre détriment.

À ce moment, tous les bons esprits en France furent frappés de la possibilité de regagner, par des alliances commerciales, le terrain que nous avaient fait perdre la guerre et la diplomatie. On se demanda si, la France étant prise pour centre d’attraction, il ne pourrait pas se former autour d’elle une fédération de peuples associés par des intérêts communs, et si les influences du Midi ne devraient pas établir entre elles une solidarité qui fît contrepoids à celle qui existe, depuis vingt-cinq ou trente ans, entre les influences du Nord.

Cette conception, qui était déjà en germe dans l’opinion publique, l’auteur de l’écrit qui parut, il y a cinq ans, dans la Revue[1], n’eut qu’à la traduire et à la délimiter. En proposant, sous ce nom l’Union du Midi, une association commerciale entre la France, la Belgique, la Suisse et l’Espagne, il voulait augmenter, par les rapports étroits qui naissent de la liberté des échanges, les affinités qui existent déjà entre les états du continent qui obéissent au système représentatif. Il espérait unir dans une même croisade les intérêts et les idées. C’était la reprise, par les voies pacifiques, du mouvement qui s’était manifesté au monde par les explosions de 1789 et de 1830. Le but restait le même ; il n’y avait de changé que les moyens d’action.

Depuis cinq ans, cette pensée a fait un chemin rapide ; elle est aujourd’hui populaire, et, pour ainsi dire, à l’état de lieu-commun. La presse quotidienne s’en est emparée ; divers économistes en ont proposé des variantes[2]. L’opinion publique, qui ne s’attache guère qu’à ce qui est immédiatement réalisable, a mis à l’ordre du jour l’union de douanes entre la France et la Belgique, premier jalon d’une plus vaste association. Il semble donc que ce plan soit arrivé à son point de maturité, et que l’exécution puisse commencer.

Un autre symptôme d’opportunité se manifeste dans la résistance de cer-

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes, livraison du 1er mars 1837.
  2. MM. de la Nourais et Bères, dans leur ouvrage, sur les douanes allemandes (1840) excluent l’Espagne de l’union française pour y faire entrer la Savoie.