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saire, le pain quotidien se tire des échanges que fait une nation avec les peuples voisins. Sous ce rapport encore, les conseils provinciaux, les chambres du commerce et les industriels belges qui ont demandé l’union commerciale entre la Belgique et la France, ont fait acte de bon sens. Ajoutons qu’ils ont eu le juste sentiment des destinées de leur pays. Que l’on consulte le passé. La Belgique n’y apparaît jamais seule ni livrée à elle-même ; elle prend toujours quelque point d’appui au dehors. Tantôt elle forme une annexe des domaines que possède la maison de Bourgogne, tantôt elle appartient à l’Espagne, qui l’exploite et qui l’opprime ; tantôt elle relève de la maison d’Autriche, qui la fait servir à ses expériences de gouvernement ; tantôt elle se réunit à l’empire français, et, en dépit de la guerre qui ravage l’Europe, elle emprunte à cette union la plus magnifique comme la plus solide prospérité.

Les diplomates qui remanièrent l’Europe après la chute de Napoléon comprirent cette nécessité des choses. En arrachant la Belgique à la France, ils voulurent du moins l’associer à un autre royaume ; mais, en l’accouplant à la Hollande, ils ne firent pas même un mariage de raison. La Belgique fut blessée dans ses intérêts politiques, alors même que ses intérêts matériels étaient satisfaits. Aujourd’hui, ce sont les intérêts matériels qui souffrent, et voilà pourquoi les Belges, dans le besoin d’une alliance, consultent surtout les convenances du commerce et de l’industrie.

Ces convenances ne parlent pas moins haut que les considérations politiques en faveur de la France. Le peuple ne tergiverse pas là-dessus. Dans l’enquête, Bruxelles est la seule ville qui n’en parle pas, et Anvers la seule ville qui proteste. Les habitans de Gand, de Bruges, d’Ostende, de Courtray, de Saint-Nicolas, d’Ypres, de Louvain, de Tournay, de Mons, de Namur, de Verviers, la réclament à grands cris. Si Liége et Charleroy hésitent et regardent vers l’Allemagne, c’est uniquement, comme l’a dit un maître de forges, M. Dupont, parce qu’en demandant la suppression des douanes entre la Belgique et la France, ils croiraient émettre un vœu stérile, parce qu’il leur paraît impossible d’obtenir de la France une pareille concession.

Cette disposition universelle à l’alliance française est d’autant plus remarquable de l’autre côté de la frontière, que le gouvernement belge n’a rien épargné pour seconder la tendance opposée. Dès l’année 1831, M. Lebeau, étant ministre des affaires étrangères, disait à la chambre des représentans, dans les épanchemens d’une ambition naïve : « On dit que la France doit reprendre ses limites, et que les frontières du Rhin doivent appartenir ou à la France ou à la Belgique. Cette vérité sera sentie un jour, et les puissances européennes aimeront mieux nous donner ces frontières que de permettre que la France y porte ses drapeaux. » Plus tard, et lorsque la création d’un grand réseau de chemins de fer fut décrétée, le gouvernement belge se proposait principalement d’attirer à Anvers le transit de l’Allemagne, et de joindre l’Escaut au Rhin. « Vous savez, a dit un ministre, M. Desmaizières, dans