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pouvoir absolu, ne s’empressa point de saluer l’ère nouvelle qu’a ouverte au monde la révolution de 1789. Rome lui a été hostile, ou elle n’a fait que la tolérer de mauvaise grace, à contre-cœur. Soyons justes : il était difficile qu’il en fût autrement tant qu’on était dans le feu de la révolution. Aujourd’hui l’ordre est rétabli ; les choses ont repris leur cours naturel et régulier ; les gouvernemens constitutionnels sont la force et la gloire de l’Europe ; la paix du monde est dans leurs mains. Tant que la France et l’Angleterre ne seront pas aux prises entre elles, toute guerre sérieuse est impossible. C’est vers les gouvernemens constitutionnels que se portent l’opinion publique, le vœu et l’espérance des nations. C’est auprès des gouvernemens constitutionnels que le catholicisme trouve respect, justice, protection. L’Angleterre elle-même, malgré la suprématie anglicane de ses rois, a émancipé les catholiques, et des orateurs papistes remplissent de l’éclat de leur éloquence les salles de Westminster. L’avenir de Rome est là, dans son alliance intime avec les gouvernemens constitutionnels. Le pacte du XVIe siècle, malheureux, mais politique alors, serait aujourd’hui à la fois un anachronisme ridicule et une faute énorme. Après avoir, au XVIe siècle, abandonné la liberté, parce qu’elle se mourait, voudrait-on aujourd’hui rester fidèle à l’agonie du despotisme ? C’est là une erreur où Rome ne tombera pas, parce qu’il n’est pas dans sa nature d’y tomber. Il faudrait pour cela qu’elle eût un pouvoir qu’elle n’a pas, le pouvoir de se dénaturer, de renoncer à ses principes, à ses traditions, à sa mission. Rome sait proportionner l’instrument mondain aux temps, aux circonstances, aux besoins. Elle ne se sépare jamais définitivement de l’avenir, et l’avenir aujourd’hui appartient aux gouvernemens constitutionnels.


L’Espagne continue à présenter le spectacle original qui en fait un pays à part en Europe. Son histoire politique est de plus en plus une série de mystifications. On peut en juger par ce qui s’est passé depuis six mois.

Première mystification : les Anglais.

On sait quels efforts ont faits les Anglais pour s’attacher le parti exalté espagnol. Ils lui ont donné jusqu’à l’existence, car, avant leur intervention, il n’existait pas. Après l’avoir mis au monde, ils l’ont discipliné, armé, soldé, excité, choyé, prôné, reconforté ; ils lui ont soufflé les idées qu’il n’avait pas, ils lui ont cherché le chef qui lui manquait ; ils l’ont inspiré dans ses manœuvres, ils l’ont dirigé dans ses combats, ils l’ont consolé et reformé après ses défaites. Aucun sacrifice ne leur a coûté pour mener à bien cet enfant chéri de leur politique. Ils n’ont épargné pour le servir ni temps, ni argent, ni peine, ni scandale. Pendant que leurs agens lui prodiguaient sur les lieux des secours occultes, leurs ministres lui donnaient à plusieurs reprises des éloges publics dans le parlement, leurs journaux retentissaient de sa gloire et de ses vertus patriotiques. Enfin, après plusieurs années de luttes, de tra-