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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

Robert Peel adopte cette dernière solution, il n’est pas douteux qu’il ne la fasse très facilement accepter. Jamais la guerre de l’Afghanistan n’a été populaire en Angleterre, et l’idée d’aller si loin combattre des peuples barbares sourit peu à l’esprit ferme et sûr, mais en même temps froid et calculateur, qui distingue ce pays. Sir Robert Peel n’aura donc pas beaucoup de peine à lui démontrer que l’évacuation est une mesure nécessaire qui a le double avantage d’éviter de nouveaux désastres et de rendre à l’Angleterre la liberté de ses mouvemens. Quant au déshonneur, s’il y en avait, c’est sur les auteurs de la guerre qu’il retomberait, sur ceux qui se sont follement engagés dans cette entreprise sans en mesurer les difficultés, sans en prévoir les conséquences.

On peut en dire autant de la guerre de la Chine, à laquelle les tories ont toujours fait, dans la chambre des communes du moins, une vive opposition. À tort ou à raison, l’homme de confiance des whigs, M. Elliot, passe pour avoir commencé cette guerre légèrement et pour l’avoir mal conduite. Si elle traîne en longueur, ou même si elle échoue, c’est donc aux whigs encore que s’en prendra l’opinion publique ; si elle se termine heureusement, au contraire, sir Robert Peel en aura tout l’honneur. Cela explique comment les opérations de sir Henri Pottinger n’ont jusqu’ici soulevé aucun débat dans aucune des deux chambres. C’est d’ailleurs un spectacle bien étrange que celui de ces douze ou quinze mille Anglais qui essaient de pénétrer par la force jusqu’au cœur du céleste empire, et de dicter la loi à une population de deux à trois cents millions d’êtres humains. S’ils réussissaient, ce serait incontestablement une des plus grandes révolutions dont le monde ait été témoin, une révolution dont il est impossible aujourd’hui de prévoir toutes les conséquences.

Quant à l’empire ottoman, si bien consolidé, si admirablement pacifié par le traité du 15 juillet, il peut sans doute en sortir plus tard de très graves complications dans la politique européenne ; mais, jusqu’à ce jour, sir Robert Peel et sir Strafford Canning n’ont guère pu qu’accepter les faits accomplis et marcher, bien qu’à contre-cœur, dans la voie ouverte par lord Palmerston et par lord Ponsonby. Ce n’en doit pas moins être une vive satisfaction pour ceux qui, en 1840, ont soutenu jusqu’au bout la politique française, que de la voir aujourd’hui si pleinement justifiée. En 1840, il y avait en France des hommes qui, pour excuser à leurs propres yeux leur faiblesse de cœur et leur manque de résolution, s’efforçaient de démontrer aux chambres et au pays que l’Angleterre avait eu raison contre la