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France, ou que du moins les torts étaient partagés. Que ces hommes veulent bien lire les discours où sir Robert Peel proclame les vices du traité du 15 juillet et l’imprévoyance coupable de ceux qui l’ont signé ; qu’ils méditent surtout les paroles par lesquelles, le 10 août dernier, le premier ministre de l’Angleterre reprochait amèrement à lord Palmerston d’avoir, pour un intérêt douteux, réveillé les vieilles haines de la France, et brisé une alliance qui importait au repos du monde comme aux progrès de la civilisation ! Ainsi, dans le parlement d’Angleterre, la politique française trouve plus de justice qu’en France même. Dieu veuille que la leçon ne soit pas perdue, et que jamais ne se renouvelle le triste spectacle des derniers mois de 1840 !

Quoi qu’il en soit, pas plus que l’Afghanistan, pas plus que la Chine, l’Orient ne pouvait devenir pour l’opposition un sujet d’attaque sérieuse, pour le cabinet tory une difficulté parlementaire de quelque importance. Voyons si les questions qui lui appartiennent réellement étaient ou sont pour lui plus dangereuses ou plus embarrassantes.

Ces questions sont au nombre de trois : le traité de visite avec les quatre grandes puissances, l’incident diplomatique qui a presque brouillé l’Espagne et la France, enfin l’arrangement récent conclu par lord Ashburton avec les États-Unis.

En 1831, quand une pensée de philanthropie, honorable dans son principe, entraîna la France à faire à l’Angleterre, alors son alliée, la concession imprudente du droit de visite, une discussion fort curieuse eut lieu à la chambre des lords, au sujet du traité qui venait d’être conclu. L’opposition tory, représentée par lord Aberdeen, aujourd’hui ministre des affaires étrangères, et par lord Ellenborough, gouverneur-général de l’Inde, loua l’ensemble du traité, mais non sans joindre à l’éloge quelques reproches assez amers. Ainsi, à l’entendre, ce traité avait trois inconvéniens graves : le premier, de renfermer dans une zone beaucoup trop étroite l’exercice du droit de visite ; le second, de limiter le nombre des croiseurs par la stipulation qui ne permettait pas à une des puissances contractantes d’en avoir plus que le double de l’autre ; le troisième enfin, d’être écrit en langue française, et d’accorder ainsi à une ancienne rivale une sorte de supériorité. Lord Grey n’attacha pas beaucoup d’importance à ce dernier reproche, mais il avoua que les deux autres étaient fondés. « Par malheur, dit-il, il existe en France de grandes préventions contre le droit de visite. En obtenant le traité tel qu’il est rédigé, le ministère croit donc avoir beaucoup fait. Il aurait désiré obtenir davantage, mais cela était impossible. »