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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

loin de se tenir pour content. On put donc croire un moment que la transaction ne serait acceptée par personne, et que les deux opinions extrêmes aimeraient mieux se livrer un combat décisif ; mais ce n’est point ainsi que les choses se passèrent. Les opinions extrêmes se donnèrent bien le plaisir, à Derby, de brûler sir Robert Peel en effigie comme coupable de vouloir affamer le peuple ; à Aylesbury, de le dénoncer au parti agricole comme traître et comme apostat. Dans le parlement aussi, M. Villiers fit rejeter, à la majorité de 393 voix contre 90, une proposition tendant à exempter de tout droit l’introduction du blé étranger, et M. Christopher présenta un amendement qui fut à peine soutenu pour maintenir, à peu de chose près, la législation actuelle. En somme cependant, les tories pensèrent qu’il fallait accepter le plan de sir Robert Peel, crainte de pis, et les libéraux, qu’il convenait de l’aider à passer, faute de mieux. Quant au droit fixe de lord John Russell, il ne fit pas dans le débat une très brillante figure. Pour le combattre, sir Robert Peel insistait surtout sur ce point, qu’en cas de disette il serait barbare de faire payer au peuple affamé un impôt de 8 sh. par quarter. Lord John Russell, embarrassé par cette objection, crut alors s’en délivrer en consentant à réduire le droit à 1 shilling lorsque le blé s’élèverait au prix exorbitant de 73 ou 74 sh. ; mais c’était de fait accepter le principe du droit mobile, et renoncer à la plupart des argumens par lesquels le droit fixe peut être défendu. Aussi la division donna-t-elle 226 voix pour le droit fixe, et 349 pour le plan ministériel, c’est-à-dire en faveur de ce dernier une majorité de 123 voix. Le bill fut enfin adopté tel quel, à la seconde lecture, par 284 contre 176, à la troisième par 229 contre 90. C’est beaucoup plus qu’on ne pouvait s’y attendre, et sur ce point le triomphe du ministère fut complet. À la chambre des lords trois divisions marquèrent nettement la force respective des diverses opinions. Un amendement de lord Stanhope appuyé par Buckingham, et qui tendait à maintenir à peu près la législation ancienne, fut rejeté par 119 contre 17. Un amendement de lord Brougham, qui supprimait au contraire toute espèce de droit, eut le même sort à la majorité de 109 contre 5. Un amendement enfin de lord Melbourne, en faveur du droit fixe de 8 sh., réunit 71 voix contre 207. Le bill passa ensuite sans difficulté.

Ce qu’il y eut au reste de plus remarquable dans la discussion de la chambre des communes, c’est d’une part un admirable discours de lord Palmerston en faveur de la liberté commerciale, de l’autre les récriminations vives et répétées de M. Ferrand contre les manu-