Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/561

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
557
L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

d’impôt et rien de plus, puisque le droit différentiel est maintenu contre le bois étranger. Quant au sucre, il n’en est pas même question, et les planteurs des Antilles conservent la protection exorbitante dont ils ont joui jusqu’ici. N’y a-t-il pas là, de la part de sir Robert Peel, une inconséquence marquée ? ou bien serait-ce que, sur les trois points capitaux dont il s’agit, il a désespéré de vaincre son parti ?

Je suis enclin à croire que cette dernière considération a fortement pesé sur la détermination de sir Robert Peel. Venu au pouvoir par le rejet du budget whig, il lui était d’ailleurs bien difficile de reproduire les dispositions principales de ce budget. Mais le germe est jeté, et par les mains de sir Robert Peel ou par d’autres, il faudra qu’il se développe. J’ajoute que l’intérêt du trésor viendra ici au secours des vrais principes, et qu’on ne se résignera pas à perdre longtemps 50 à 60 millions par an au singulier profit des planteurs des Antilles et des propriétaires du Canada.

Malgré les imperfections que je signale, le tarif de sir Robert Peel n’en est pas moins une des plus grandes choses qu’on ait faites, et personne ne s’y trompa en Angleterre. Autant en effet les tories l’accueillaient avec humeur ou froideur, autant il fut accepté avec enthousiasme par les libéraux. Le parti curieux à voir et à entendre, ce fut le parti agricole, déjà peu satisfait de la loi des céréales, et qui, par les mesures relatives au bétail, se sentait blessé jusque dans ses entrailles. « Un membre tory, dit à ce sujet l’Examiner, prétendait récemment qu’il avait combattu l’administration de lord Melbourne, parce que cette administration proposait de mauvaises mesures qu’elle ne pouvait faire passer. Le parti agricole, dont ce membre fait partie, a maintenant le grand avantage et la vive satisfaction de soutenir un gouvernement qui propose de mauvaises mesures et qui les convertit en loi. » Les fermiers de Reading se montrèrent peu contens de cette situation, et se plaignirent amèrement « que leurs efforts de l’an dernier n’eussent abouti qu’à les livrer pieds et poings liés à une majorité de 100 voix et à un ministre conjurés pour les trahir. » Les fermiers et propriétaires fonciers du Lincolnshire, du Berkshire, d’Eastlothian et de plusieurs autres comtés, ne firent pas entendre des plaintes moins vives, et à la chambre des lords, lord Western se fit leur organe, avant tout débat, en accusant hautement le cabinet d’avoir trompé les agriculteurs. À cela, le duc de Wellington répondit sèchement et rudement « que le cabinet n’avait rien promis. » Cela est vrai ; mais à coup sûr si les agricul-