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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

En traitant des mesures financières et de l’Irlande, j’ai déjà touché plusieurs des points par lesquels sir Robert Peel a fortement déplu à une portion considérable de son parti ; mais ces points ne sont pas les seuls, et la fraction agricole et protectrice d’une part, la fraction orangiste de l’autre, ont vu, dans les rangs où elles siègent, surgir bien d’autres griefs. À vrai dire, montrer les questions sur lesquelles sir Robert Peel a mécontenté quelques-uns de ses amis, c’est presque passer en revue la session tout entière. Je vais en indiquer quelques-unes, en commençant par la question de l’enquête électorale, une de celles où l’attitude prise par sir Robert Peel a produit parmi les siens le plus de surprise et de mauvaise humeur.

Aux dernières élections, la corruption, on le sait, a coulé à pleins bords, et la chambre, saisie par des pétitions nombreuses, a dû soumettre à un examen sévère beaucoup de membres accusés d’avoir acheté leur nomination. D’après les formes anglaises, ce n’est pas la chambre entière qui juge, mais un comité tiré au sort sur une liste formée par le président au commencement de chaque session. Devant cette espèce de jury comparaissent les accusés et les accusateurs, qui donnent des explications et produisent des témoins. Le comité décide ensuite, et son arrêt est sans appel. Mais, comme de cet arrêt il peut résulter, ou que le bourg soit privé de sa franchise, ou, plus ordinairement, que le membre évincé soit déclaré non rééligible, on met naturellement une grande importance à n’en pas être frappé. Pour cela, il arrive que le membre qui se voit à la veille de perdre sa cause fait, avec la partie adverse, un compromis par lequel il paie les dépenses de la pétition, et se retire, laissant le champ libre à son adversaire. La pétition est alors abandonnée, et tout est terminé.

C’est à ces sortes d’arrangemens qu’un membre radical très actif et très obstiné, M. Roebuck, déclara une guerre à mort dans le cours de la dernière session. Se levant un jour, il adressa donc à plusieurs membres, en voie de compromis, des questions très précises, très topiques, qui les mirent dans un grand embarras, et donnèrent à la chambre un spectacle des plus curieux. Puis, profitant de son avantage, il annonça qu’il proposerait la formation d’un comité spécial pour fouiller tous les mystères et pour atteindre la corruption dans ses dernières retraites. Comme M. Roebuck s’en prenait à tous les partis, et notamment à un des derniers ministres, sir John Hobhouse, membre pour Nottingham, il est probable que la motion n’eût pas trouvé un appui bien vif parmi les whigs ; mais, dès le premier moment, sir Robert Peel s’en déclara le protecteur, et c’est avec son aide