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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE TORY.

petit cercle des dernières années. Il faut que, conséquens avec eux-mêmes, ils demandent autre chose que le scrutin secret, l’extension du suffrage, et l’abolition de quelques taxes ecclésiastiques. Il faut, en un mot, que la loi civile les occupe autant que la loi politique. Loi religieuse, loi politique, loi civile, tout se tient et se lie dans ce vigoureux ensemble qui forme la constitution anglaise. On peut, tout en le modifiant dans quelques-unes de ses parties, le laisser subsister ; on ne peut pas en démolir un côté sans toucher à l’autre. C’est ce dont ont fini par s’apercevoir quelques radicaux purement politiques, tels que sir Francis Burdett, et c’est ce qui les a rejetés si complètement, à la fin de leurs jours, dans les rangs des tories.

Hors du parlement, d’ailleurs, dans le pays, si l’on excepte l’Irlande, il n’y a rien qui doive troubler sérieusement la quiétude du ministère Peel. La réaction conservatrice dont ce ministère est le produit est loin d’être épuisée, ainsi que l’ont clairement prouvé les élections partielles qui ont eu lieu depuis un an. En se tenant à distance des ultrà-tories, sir Robert Peel en outre a rallié à sa cause dans l’aristocratie des hommes comme le comte de Shrewsbury, et peut-être le duc de Leinster, qui ne lui étaient pas favorables l’an dernier ; dans les classes industrielles, beaucoup d’autres hommes dont les noms ne sont pas connus, mais qui seront d’un grand poids dans la balance politique. Quant aux classes purement populaires, là sans doute est le danger, non-seulement pour sir Robert Peel, mais pour tous les ministères possibles. Rien pourtant, malgré le dernier soulèvement, n’indique que ce danger soit imminent.

Pour moi, je veux le dire en terminant, j’appartiens à cette génération qui regarde la conquête de l’égalité civile comme un des plus grands bienfaits de la révolution. Je ne voudrais donc pas, quand je le pourrais, troquer les institutions de mon pays contre celles de l’Angleterre, et pourtant, je ne puis en disconvenir, pour le développement large, ferme, puissant, du gouvernement représentatif, ces institutions sont incomparables et ne seront peut-être jamais remplacées. Quand la reine Vittoria a dernièrement fait son voyage en Écosse, on s’est beaucoup égayé en France sur les flatteries souvent fort plates et fort ridicules dont elle était l’objet, et que les journaux les plus graves avaient grand soin d’enregistrer. Cependant, tandis que la reine recevait ainsi, à l’entrée des villes ou dans les châteaux de sa fidèle aristocratie, des hommages enfantins, n’était-il pas derrière elle un homme plein de respect sans doute pour la couronne et pour celle qui la porte, mais qui, l’an dernier, soutenu par une forte