Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/666

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
662
REVUE DES DEUX MONDES.

en recevons 4 millions de kil. Le seul avantage bien réel que les tarifs de douanes donnent au consommateur belge est la modération du droit établi sur le café. La France en a reçu en 1841 13 millions de kil. qui ont payé au trésor 12 millions et demi de francs, soit près de 1 franc par kil. En 1839, la Belgique a importé 15 millions de kil., qui ont acquitté 1,200,000 fr. de droits, soit 8 cent. par kil. Mais comme chaque Français ne consomme qu’un tiers de kil., tandis que chaque Belge consomme près de 4 kil., il en résulte peu de différence dans la contribution prélevée sur chacun par le fisc dans les deux pays, les Belges payant 32 cent. par tête, et les Français 35 cent.[1]

On voit à quoi se réduit l’inégalité entre les deux peuples pour les objets naturels de consommation, et quelle légère influence cette inégalité doit exercer sur le prix relatif de la main-d’œuvre, qui est principalement déterminé par l’abondance et par la rareté des demandes, et qui dépend entièrement du rapport qui existe entre le chiffre de la population et les moyens de travail. Mais nous irons plus loin, et nous contesterons que le bon marché de la main-d’œuvre soit le principal avantage à considérer dans les élémens de la production. Ce qui importe surtout à l’industrie, c’est de se placer à portée des grands marchés où la consommation vient s’approvisionner. Voilà pourquoi les manufactures s’établissent dans le rayon des capitales ; voilà comment il s’est fait que Paris, étant déjà un centre commercial considérable, est devenu le foyer le plus actif de la fabrication. La main-d’œuvre coûte souvent à Paris le double du prix auquel elle revient dans les départemens ; cependant, malgré ce désavantage, les manufactures parisiennes font une concurrence victorieuse à celles qui ont ailleurs les ouvriers au plus bas prix. Nous en citerons un exemple : pour la filature de la laine peignée, la journée d’une femme se paie à Paris 1 fr. 70 cent., à Reims 1 fr. 25 cent., à Rethel 1 fr. 10 cent., et 90 cent. dans les campagnes des environs. Ainsi, les filatures en province ont sur la filature parisienne, dans le prix de la main-d’œuvre, un bénéfice qui varie, suivant les lieux, depuis 40 jusqu’à 94 pour 100, et pourtant celle-ci voit ses produits plus recherchés et réalise des profits importans.

Si Paris conserve sa prépondérance sur les industries départementales, pourquoi lutterait-il moins facilement avec les manufactures belges ? N’est-ce pas, au contraire, en agrandissant son rayon de consommation, par l’accession de la clientelle belge, que cette ville verra s’accroître encore la supériorité incontestable de son industrie ?

Mais le plus grand bienfait de l’union commerciale sera de rendre libre d’un royaume à l’autre, la circulation des marchandises ainsi que des voyageurs. Par cela seul que l’on ne sera plus arrêté, dans ces relations, par l’in-

  1. Nous ne pensons pas que l’augmentation des droits sur le café porte une atteinte sérieuse en Belgique aux habitudes de la consommation. Dans l’association allemande, la consommation du café n’a pas diminué, malgré un droit de 24 francs 37 cent. par quintal.